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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/177

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PHYLLIS

« Avant de prononcer les paroles définitives, ayant essayé de chapitrer ma fiancée, du reste sans succès, je priai mon fidèle Brewster de glisser quelques bons conseils à l’oreille de miss Fanny.

« Poussé par sa sincère affection pour moi, le cher garçon s’y prit de telle façon qu’il n’eut plus jamais envie de recommencer. Sa propre canne brisée en morceaux par deux belles mains, puis lancée en plein visage, faillit l’éborgner pour la vie. C’est alors qu’effrayé du sort qui m’attendait, j’allai chez miss Dilkes pour lui reprocher ses façons envers mon ami et entendis la plus grossière bordée d’injures qui soit jamais sortie des lèvres d’une femme. Au tableau : un éventail en lambeaux, une statuette brisée.

« Phyllis, je vous jure qu’à cet instant, la passion que j’avais éprouvée pour cette femme que je ne voyais plus autrement que sous les traits d’une furie, ma passion s’écroula et s’éparpilla en morceaux comme les lambeaux de l’éventail et les fragments de la statuette.

« Le lendemain, miss Dilkes attendit vainement mon retour, signal ordinaire de l’un de ces raccommodements où elle se montrait si habile et auxquels je me laissais reprendre.

« Cette fois tout était à jamais brisé. Je lui en expliquai les raisons dans une lettre qu’elle reçut après mon départ.

« Et puis, Brewster était là, il y mit beaucoup du sien et sut calmer mes scrupules. À la lettre, il m’enleva.

« Deux jours après, nous embarquions et, quand je foulai de nouveau le sol de la vieille Angleterre, feus l’impression que je venais d’échapper à un mortel danger.

« Quelques mois à peine s’étaient écoulés, quand je fis votre rencontre, chère petite aimée, et ce furent justement les qualités opposées au caractère de miss Dilkes qui me plurent en vous : franchise, loyauté, grâce modeste, ingénuité charmante.

« Tout en vous me plut : jusqu’à vos naïvetés de petite villageoise, vos boutades d’enfant si vite apaisées dans les larmes. Il m’était agréable de penser qu’après avoir été accepté comme par grâce par une fille de milliardaire, j’allais ouvrir aux yeux étonnés d’une enfant ignorante de la vie, les portes féeriques dus palais des Mille et une Nuits.

« Et je vous aimai de toute mon âme…

« Voilà, Phyllis, l’histoire véridique de ma malheureuse passion si vite née, si vite éteinte… car l’épreuve a été concluante. J’ai revu miss Dilkes et la seule impression qu’elle ait faite sur mon esprit a