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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/178

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PHYLLIS

été celle d’une répulsion invincible. Elle me rappelait le temps le plus malheureux de ma vie.

« Mais je connais trop sa nature vindicative et violente pour ne pas tout craindre de son voisinage de Strangemore.

« C’est pourquoi, lorsque j’appris l’arrivée d’une Américaine à l’hôtel de Carston, d’après la description que l’on m’en fit, je crus la reconnaître, et je volai vers vous, craignant déjà qu’un malheur ne fut arrivé. Je m’excuse, ma chérie, de la façon très peu gracieuse dont je vous enlevai du skating ce jour-là ; il me semblait que mon bien le plus précieux était en grand péril.

« Et c’est aussi pour vous mettre à l’abri de ses emportements que je consentis à la voir en cachette, cherchant toujours à la décider à partir, et espérant y réussir.

« Ah ! j’aurais dû écouter ma première impulsion qui était de vous emmener au loin, de nous cacher tous deux jusqu’à ce que le pays fût débarrassé de cette présence odieuse.

« Mais pendant les derniers jours de notre vie commune vous aviez l’air si confiante, si heureuse… Je reculais de jour en jour craignant de toucher à notre bonheur lorsque… vous savez la suite ! Je crois que si j’étais rentré à cet instant, pendant qu’elle vous affolait de frayeur, je n’aurais pu m’empêcher de l’étrangler…

« Pauvre, pauvre chérie ! Combien il a fallu que vous fussiez arrivée au dernier degré de la terreur pour que vous vous soyez sauvée ainsi, toute seule et désespérée dans la nuit !

« Phyllis, si en tout ceci j’ai mal agi, si j’ai manqué de confiance envers vous et si vous m’en voulez encore, chère âme, j’implore votre pardon ?

« Mais, pour l’amour du ciel, ne me rejetez pas loin de vous. Laissez-moi le droit d’entrer et de vous soigner.

« Je vous aimerai tant que vous guérirez tout de suite, puis je vous enlèverai et nous partirons pour le continent.

« Je vous fais porter cette lettre par Tynon. À partir de ce soir je me confine pour un mois entre les murs de Strangemore dont les gardes ont reçu une consigne sévère. Ici, j’attendrai votre réponse.

« Si elle ne vient jamais — ce que je ne puis me résigner à croire — dans un mois je fuis ce pays ainsi que la femme qui me l’a fait prendre en horreur, et je pars pour de longs voyages, vous débarrassant de ma présence…