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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/18

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PHYLLIS

— Certainement, appuya M. Carrington en interrompant sa besogne de chirurgien pour me sourire, mais il y a des petites filles qui ne sont pas raisonnables.

— J’ai eu dix-sept ans au mois de mai, fis-je avec orgueil.

— Oh ! miss Phyllis, excusez-moi ! si vieille déjà ! vraiment je ne l’aurais pas cru.

— Oui, vous dites cela parce que vous m’avez trouvée perchée sur un arbre, mais je vous assure bien, ajoutai-je avec la dernière énergie, que, quand je suis sortie de la maison, je ne pensais pas plus à faire cela qu’à… m’envoler. N’est-ce pas, Billy ?

— Bien sûr, fit Billy. Qu’est-ce qui a bien pu te donner cette drôle d’idée ? Voilà au moins deux ans que ça ne t’était pas arrivé !

C’était un impudent mensonge, mais j’aurais embrassé le cher garçon pour sa bonne intention.

— Seulement, monsieur, fis-je d’un ton beaucoup moins fier, si mes parents le savaient, ils me gronderaient, mon père surtout, ce serait affreux. Vous ne me trahirez pas ?

— J’endurerais plutôt mille tortures, me répondit-il très sérieusement. Vous n’entendrez jamais reparler de cette terrible aventure. Vous sentez-vous mieux, miss Phyllis ?

— C’est à peine si je le sens, maintenant. Mais comment vais-je faire pour vous rendre votre mouchoir ?

— Ne pourrais-je venir demain prendre de vos nouvelles ? Voilà une grande semaine que je ne suis allé à Summerleas. Cela vous ennuierait-il de me revoir si tôt ?

— Oh ! pas du tout ! répondis-je chaleureusement en pensant à Dora, vous nous faites toujours plaisir.

— Vraiment ! Vous êtes contente de me revoir quelquefois ?

Il me regardait fixement en posant cette question.

Surprise de ses manières, je répondis poliment :

— Mais oui, n’en doutez pas.

— Depuis combien de temps nous connaissons-nous maintenant ?

— Je le sais, fis-je vivement, il y a eu exactement trois mois hier. C’est le 25 juin que vous êtes venu pour la première fois à la maison. Je m’en souviens bien.

— Vraiment ?

M. Carrington en avait l’air surpris et heureux.

— Qu’est-ce qui a pu graver dans votre mémoire cette date si peu intéressante ?

— Oh ! c’est bien simple. C’est ce jour-là que Billy m’a donné mes deux beaux pigeons blancs.