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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/19

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PHYLLIS

L’un d’eux est mort depuis. Vous voyez bien que je ne pouvais oublier cette date.

— Il n’y a donc que trois mois à peine que j’ai fait votre connaissance ? À moi, il me semble qu’il y a un siècle.

— Ah ! vous voyez ! fis-je d’un ton triomphant. Je vous l’avais dit dès le premier jour que vous seriez vite fatigué de nous. Et ce n’était pas malin à deviner, car la vie est loin d’être amusante ici. Quand on a fait des commérages sur les voisins, qu’on a parlé chevaux, bétail, ou…

— … Ou cueilli des noisettes au risque de se rompre le cou, acheva M. Carrington, avec son bon sourire.

— Oui, fis-je en riant, et, ce qui est plus grave, dans le bois du voisin !

— Veuillez, je vous prie, dit-il en me regardant avec un grand sérieux, vous considérer ici comme chez vous et y venir aussi souvent que vous le voudrez. Mais, je reviens à ce que vous disiez et je vous affirme que je ne suis encore fatigué ni de votre société, ni de mon cher pays.

— Cependant, vous venez de dire que le temps passe lentement pour vous ?

— Quand je suis à Strangemore, peut-être, mais auprès de vous, à Summerleas… jamais !

Je commence à croire, décidément, que Dora pourrait bien avoir des chances de réussite.

Nous étions arrivés en causant à la lisière de nos bois. Je tendis ma main.

— Il faut que nous retournions à la maison, car il se fait tard. Adieu, monsieur, et encore tous mes remerciements pour vos bons soins.

— Permettez-moi donc, me dit-il, de vous accompagner un peu sur votre domaine ?…

— Venez si vous le désirez, répondis-je, assez surprise qu’un homme tel que M. Carrington exprimât le désir de partager plus longtemps mon insignifiante société.

Et nous continuâmes à causer de ce ton plaisant et léger qui lui est naturel, jusqu’à ce que nous arrivâmes en vue de Summerleas. Enfin, il nous quitta avec des sourires et des gestes d’adieu.


III


Ce délicieux automne est encore si doux que les feuilles refusent de lui abandonner leur tribut habituel et qu’elles bruissent et tremblent sur leurs