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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/183

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PHYLLIS

c’était miss Dilkes, accompagnée seulement d’un domestique de l’hôtel.

Au lieu de poursuivre son chemin sur le côté de la route, comprenant que j’allais m’engager sur Summerleas dont je me trouvais à peine à cinquante mètres, elle me « coupa », c’est-à-dire qu’un brusque coup de volant amena l’auto presque sous le nez des poneys.

Ils se cabrèrent, effrayés déjà par les appels du groom qui criait à l’auto de se garer.

Malgré le danger pressant, je levai les yeux et rencontrai le regard effrayant de l’Américaine. Elle s’écria :

— Ah ! ah ! C’est la petite poupée anglaise. La poupée que j’ai brisée !

Elle se rapprochait toujours. Je levai mon fouet, folle de colère.

Jack, sautant à terre, se jeta aux naseaux des bêtes.

Frémissante sous l’insulte, j’allais frapper mon ennemie, quand…

L’automobile fit demi-tour, j’entendis un rire insolent et tout disparut dans un nuage de poussière sur la route de la station. Au loin un train siffla.

J’eus le temps d’apercevoir une énorme malle attachée à l’arrière de l’auto avec des courroies : elle partait !

Miss Dilkes me disait son dernier adieu.

Il fallut un bon moment pour faire entendre raison aux poneys, affolés de frayeur. Quand je les crus assez calmés, je les fis galoper un mille ou deux sur la grand’route puis les ramenai haletants, mais assagis, et tournai sans encombre dans l’avenue de la maison.

— Quelles nouvelles ? me demanda mère avec anxiété.

— Personne ne sait où il est allé, mère ? fis-je tristement.

— Nous l’apprendrons quelque jour, ma chérie, en attendant tu n’es pas malheureuse auprès de moi. Maintenant que tous nos enfants sont partis, tu seras ma consolation.

— Nous nous consolerons l’une l’autre, mère chérie, dis-je en l’embrassant, mais vraiment… vous ne croyez pas que ce sera éternel ? Et puis… oh ! j’oubliais de vous dire ; miss Dilkes est partie ! Partie pour tout à fait.

Je racontai l’incident de la route dans tous ses détails.

— Dieu soit loué ! s’écria maman avec ferveur. Nous allons pouvoir respirer à l’aise. Tu ne pouvais m’apprendre de meilleure nouvelle.