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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/20

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PHYLLIS

branches, dans leurs vêtements de velours fauve et de satin doré.

Prise de mélancolie, je suis allée aujourd’hui flâner au bord de la rivière, sous les arbres touffus.

Depuis mon aventure du bois, il s’est écoulé une semaine, et cinq jours seulement depuis la dernière visite de notre voisin. N’ayant pu trouver un instant de solitude pour lui parler en particulier, son mouchoir est resté en ma possession. Il m’a fait, toute la semaine, l’effet d’un cadavre dissimulé dans mon armoire.

Aussi, dans la crainte d’une découverte, je le portais sur moi en sortant et le cachais, le soir, sous mon oreiller.

Malgré le beau soleil, l’air devenait plus frais et j’allais me mettre à marcher rapidement lorsque, du champ voisin, j’entendis la voix de M. Carrington.

Il franchit la haie qui nous séparait et sauta sur notre territoire, un terrier irlandais à ses talons.

— Est-ce là votre retraite favorite ? me demanda-t-il après m’avoir saluée.

— Oui, j’y viens assez souvent. Oh ! je ne puis dire combien je suis heureuse de vous voir aujourd’hui !

— Vraiment ! Voilà la meilleure nouvelle que vous puissiez m’apprendre.

Je continuai vivement :

— Parce que je vais pouvoir enfin vous rendre votre mouchoir ; il me tarde tant de m’en débarrasser ! Le voilà, dis-je en tirant de ma poche l’objet en question. Il serait plus propre si j’avais pu le donner à laver, mais comme je ne voulais mettre personne dans la confidence, j’ai bien été obligée de le faire moi-même.

Honteuse, je lui tendis le fameux mouchoir. Ah ! comme il paraissait malpropre et fripé à la lumière du jour.

Pour un homme élégant comme M. Carrington, c’était vraiment un mouchoir inavouable !

Pourtant, il le prit de mes mains presque avec respect. Il ne sourit pas, il n’y eut pas la moindre moquerie au fond de ses yeux et je lui en fus profondément obligée.

— Est-il possible que vous ayez pris autant de peine, dit-il avec un doux regard qui commence à me devenir familier. Mais, ma chère enfant, pourquoi me l’avoir rendu ? Vous auriez dû le jeter au feu. Ainsi, pour moi, vous avez lavé ceci de vos propres mains ?

— On peut bien s’en apercevoir en le regardant, fis-je en riant pour cacher mon embarras. Pourtant,