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PHYLLIS

À demi allongée sur la bergère dans des poses alanguies, environnée de coussins, elle reçoit ses visites et babille gentiment, comme il convient à une jeune baronne, avec des manières pleines de distinction.

Dimanche dernier, dans le milieu de la journée, on annonça lord et lady Chandos.

Je bondis du coin où je m’étais cachée volontairement et j’allai me jeter au cou de mon amie.

Quel tendre baiser elle me rendit !

Aussitôt que ce fut possible, je l’entraînai dans ma chambre pour une longue causerie.

Tous mes souvenirs me revinrent à mesure que je parlais, ils rouvrirent la source de mes larmes, mais la chaude sympathie que me témoigna Lilian adoucit leur amertume.

— Et vous, ma chérie, demandai-je, êtes-vous heureuse ?

Elle rougit… je vis qu’elle allait parler et n’osait le faire.

— Parlez, Lilian, dites ? Je n’ai pas l’esprit assez mesquin pour être jalouse du bonheur des autres… Et, du reste, ajoutai-je avec un sourire triste, pensant à mon frère et à ma sœur, n’y suis-je pas habituée ? Je ne vois que des gens heureux autour de moi. Dites, petite amie ? Est-il bon avec vous ? Avez-vous trouvé le bonheur que vous méritez tous deux ?

— C’est le parfait bonheur, Phyllis ! dit la petite mariée en laissant la joie rayonner dans ses beaux yeux.

— Et lui, que dit-il ?

— Il dit, répondit-elle en riant, que si je l’ai fait attendre si longtemps, c’était afin que la récompense soit meilleure. Oui, nous sommes bien heureux, mais si vous voulez être patiente, Phyllis, et ne pas user ces jolis yeux à pleurer, vous aussi serez récompensée. Il ne faut pas que Mark vous retrouve maigre et laide à faire peur, car il reviendra et bientôt, j’en ai l’intime conviction.

Après avoir parlé de choses et d’autres, et de beaucoup de gens que nous connaissons :

— Avez-vous entendu reparler de lady Blanche ?

— Non… Seigneur, je n’en avais pas la moindre envie, mais quelqu’un m’a dit que sir Garlyle… Oh ! fit Lilian en me voyant changer de couleur, qu’y a-t-il ?

— Rien, continuez. Vous disiez que sir Garlyle ?

— Allait partir ou était parti pour l’Amérique. Je lui souhaite un bon voyage ! Vraiment, notre société n’y perdra guère !

Je ne répondis rien, mais je me demandai in petto,