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PHYLLIS

si, d’après le conseil que je lui avais donné, il ne suivait pas le sillage de certaine Américaine ?

Eh bien, bon voyage ! comme dit Lilian.

28 septembre au soir.

Cette journée mémorable, anniversaire de mon mariage, m’a laissé des impressions si confuses que je ne saurais m’y débrouiller pour les fixer sur mon album une dernière fois, si je ne commence par le commencement.

Donc, étant allée ce matin à Strangemore au trot de mes poneys, j’en revins vers midi assez fatiguée.

Ma tête tournait un peu et surtout mon cœur me faisait mal, car, au jour de notre anniversaire, j’avais espéré peut-être un mot, un rappel de lui… Et il n’y avait rien !

— Phyllis, tu n’es pas bien, me dit mère en sortant de table, veux-tu aller te reposer sur ton lit ?

— Non, merci. J’ai mal à la tête. Je vais sortir, je crois que cela me fera du bien.

— Ah ! s’écria Billy en sautant sur sa casquette, je vais avec toi, Phyl. Nous irons voir si les noisettes sont mûres dans le bois de Strangemore ! Tu te rappelles…

— Billy ! cria maman, tais-toi.

J’étais devenue toute blanche et je crus défaillir. Je fis un geste pour écarter Billy et dis d’une voix qui me sembla résonner étrangement :

— Non. Je n’irai pas avec toi. J’irai seule.

Mère et Billy — mes deux grandes amours après « lui » — me regardèrent partir de la porte, petite silhouette mince, triste et noire.

J’avais choisi en m’habillant une robe noire en signe de deuil.

Ce jour de septembre était le plus doux qu’on puisse rêver. Je traversai nos bois sans presque y jeter un regard. J’étais pressée d’arriver devant certain noisetier que je savais reconnaître entre tous !

N’était-ce point là, perchée dans cet arbre, que Mark avait trouvé son enfant, sa petite fille, comme il lui plaisait de m’appeler ?

Ayant trouvé la place, je m’occupai assez longtemps à me faire un lit de feuilles sèches. J’en ramassai et en apportai une grande quantité pour arriver à me faire une couche confortable.

Le mal de tête dont je souffrais depuis le matin avait empiré du fait de la chaleur, il me tardait de m’étendre à l’ombre de mon noisetier pour y chercher le sommeil.

Une grande paix et une douce fraîcheur régnaient sous les arbres touffus. Aucun autre bruit que celui