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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/193

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PHYLLIS

de mes pleurs et tombai dans un complet anéantissement.

Vers la fin de mon somme qui fut long, car le soleil commençait à descendre quand je me réveillai, je crus faire un songe singulier.

Un homme m’apparaissait de loin dont les traits étaient environnés d’une brume si épaisse qu’il ne m’était pas possible de les distinguer. Cependant sa tournure, sa démarche, ne m’étaient pas inconnues. Il se rapprochait lentement dans ma direction et peu à peu son visage se précisait. Haletante d’émotion, je le regardais venir, il fit soudain un mouvement brusque qui le mit à genoux devant moi, je crus sentir une main très douce toucher mon front, mes cheveux, je m’agitai dans mon sommeil, murmurant :

— Mark ! Mark !

Et en ouvrant les yeux, je vis l’homme de mon rêve, celui dont je venais de prononcer le nom, debout à quelques pas de moi.

Les bras croisés, adossé à un arbre, il me regardait de ses yeux profonds, si tristes que mon cœur en fut pénétré.

Je me levai les bras étendus en courant à lui.

— Mark ! c’est vous ! Ne me reconnaissez-vous pas ?

Et je me mis à pleurer convulsivement, appuyée à son épaule. Il releva lentement mon visage pour l’exposer à la lumière qui filtrait d’en haut au travers des feuilles.

— Ainsi, je vous retrouve ici, dit-il d’une voix changée, et vous ne me fuyez pas.

— Oh ! Mark ! Si j’avais su ! Si j’avais compris comme vous m’aimiez ! Mais vous êtes ici, près de moi, vous ne partirez plus. Oh ! dites, dites que vous ne partirez plus ?

— Il faudrait, pour cela, que je fusse bien sûr que vous m’aimez un peu.

Je lui emprisonnai le cou de mes deux bras.

— Mark, je vous aime… Je vous aime de toute mon âme. Oh ! croyez-le, maintenant. J’ai tant souffert !

— Et moi ! fit-il d’un ton sourd.

Il plongea son regard dans mes yeux pour lire jusqu’au fond de mon cœur.

— C’est elle, c’est bien elle, dit-il lentement, comme s’il ne pouvait y croire… Voilà ses yeux que j’aime, voilà ses cheveux et ses petites boucles, et jusqu’au signe brun au coin de l’oreille… elle a pleuré… comme moi.

« Phyllis ! oh ! Phyllis, s’écria-t-il tout à coup, en me serrant contre lui. Nous ne nous séparerons plus jamais, dites, c’est trop affreux !