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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/23

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PHYLLIS

tuelle. Est-ce que vous trouvez que je louche, dites, monsieur Carrington ?

J’ouvris mes yeux tout grands et il les regarda de très près.

— Je ne trouve pas, dit-il en riant.

Et je ris aussi pour ne pas en perdre l’occasion. Elles sont si rares !

— Quelle heure est-il ? dis-je enfin, il doit être temps de rentrer, je pense que Billy doit m’attendre.

M’ayant dit l’heure, il ajouta :

— Avez-vous une montre, Phyllis ?

— Non.

— Seriez-vous contente d’en avoir une ? Cela doit vous gêner de ne pas savoir l’heure.

— Pas trop ! Mais je serais si heureuse d’avoir une montre ! Rien au monde ne pourrait me faire plus de plaisir. Je l’ai tant désirée !

— Phyllis… si j’osais me permettre de vous en offrir une ?

Je lui dis en soupirant avec un vif regret :

— Non, merci mille fois, mais je ne puis accepter un pareil cadeau… Là-bas — je tournai la tête du côté de Summerleas — on ne me le permettrait pas.

— Comment ! Qui vous le défendrait ?

— Papa, maman, tous ! et… et surtout Dora.

— Ah ! Pourquoi ?

— Elle n’en a qu’une vieille, vous comprenez ?… L’ancienne montre de jeune fille de tante Pricilla qui est sa marraine, elle pousserait les hauts cris si j’en avais une plus belle que la sienne et papa prendrait son parti, naturellement.

— Ah ! S’il en est ainsi !… Mais, que pourrais-je donc vous offrir qui vous fasse plaisir, Phyllis ? et qu’on vous permette de garder ?

— Rien du tout. Je n’ai qu’à attendre. Mère a promis de me donner sa montre le jour de mon mariage.

— Vous paraissez bien certaine de vous marier, fit M. Carrington en riant. Vous êtes-vous jamais demandé, petite Phyllis, comment serait le mari que vous aimeriez ?

Je répondis d’un ton un peu aigre :

— Mon Dieu, non ! Je ne pense aux choses désagréables que quand il m’est impossible de faire autrement.

« Les maris sont tous plus ennuyeux les uns que les autres, voilà mon opinion. Si j’étais une riche héritière, pouvant vivre à ma guise, je ne me marierais jamais, mais, comme je ne possède rien, il faudra bien le faire un jour ou l’autre.

M. Carrington se mit à rire.