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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/28

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PHYLLIS

Comme c’était gentil à lui de m’offrir cela, alors qu’il devait tant préférer la société de ma sœur !

— Oh ! je vous remercie ! répondis-je en rougissant, mais Dora doit être très contente de vous voir conduire, je serais désolée de prendre sa place ; du reste, j’ai été très satisfaite à l’aller de la place que j’avais et je me suis énormément amusée.

— Oh ! en ce cas… répliqua froidement M. Carrington.

Il se détournait déjà.

— Cela me plairait pourtant beaucoup, dis-je à mi-voix, regrettant déjà mon refus.

— Vraiment ! fit-il vivement, d’un air ravi, alors, venez…

Et bientôt, au grand désespoir de mon gros amoureux, je me trouvai à la place convoitée, M. Carrington auprès de moi.

Les chevaux, las de stationner, étaient fort énervés et pendant plusieurs milles ils réclamèrent toute l’attention de leur cocher qui ne put prononcer une parole.

Enfin, se tournant vers moi, il serra plus étroitement la couverture autour de ma taille et murmura avec un sourire :

— Êtes-vous bien sûre de vous trouver mieux ici qu’à côté de ce lourd et stupide garçon ?

— Oh oui ! fis-je, en ponctuant ma réponse d’un hochement de tête, je suis enchantée ; seulement, je craignais que vous ne préfériez… que vous ne regrettiez… enfin que cela ne vous fit plaisir de revenir comme vous êtes venu.

Il me regarda curieusement pendant une bonne minute, mais il ne me fut guère possible, dans l’obscurité envahissante, de déchiffrer sa pensée.

— En ce moment, croyez-le, je n’ai rien a regretter, fit-il d’une voix égale et ferme. Et vous, petite Phyllis, pouvez-vous en dire autant ? Votre délicieux compagnon ne va-t-il pas vous manquer beaucoup ?

— Ne vous moquez, pas de lui, il a été si complaisant ! Il a porté toutes les couvertures et les châles, et j’ai remarqué que vous ne portiez rien du tout.

— Je suis un affreux égoïste, c’est entendu ! mais j’avoue que j’ai toujours eu horreur de rien porter… sauf un fusil.

« Il y a tant de fardeaux dans la vie que l’on est obligé d’accepter, hélas ! que je trouve inutile de s’encombrer pour de petites misères. Ne me grondez plus, Phyllis, laissez-moi jouir en paix jusqu’au bout de cette exquise soirée, et ne nous querellons plus au sujet de ce pauvre Hastings. Enlevez ce vilain