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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/30

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PHYLLIS

qui, assise derrière notre dos, babillait gentiment avec M. Hastings et sa sœur aînée.

— Et moi, savez-vous, lui dis-je avec abandon, que je suis enchantée que vous soyez venu habiter dans nos parages… Vos visites sont toujours une distraction, et puis, aujourd’hui, cette idéale promenade… Vraiment, j’espère que vous resterez ici longtemps.

— Pensez-vous bien ce que vous dites, Phyllis ? Regardez-moi.

Je levai la tête.

— Et maintenant, dites-moi si un autre monsieur, à peu près dans mon genre, vous emmenait promener en voiture, auriez-vous autant de plaisir à le voir que vous en avez quand je viens chez vous ?

il me regardait sérieusement, attendant sans doute que je répondisse quelque chose… J’étais horriblement émue et embarrassée.

— Mais… Je ne sais pas… Je n’ai jamais pensé à cela, dis-je, mais aussi quelle drôle de question ! Mon Dieu, si ce monsieur était venu à votre place… et qu’il eût été aussi bon que vous l’êtes, mais… oui, j’aurais eu pour lui autant d’amitié que j’en ai pour vous…

Ah ! Naturellement, je venais de dire tout le contraire de ce qu’il fallait dire et je m’en aperçus bien quand j’eus fini de parler.

M. Carrington détourna ses yeux d’un air peiné et ne dit plus rien.

Cinq ou six minutes s’écoulèrent. J’étais très vexée de l’avoir contrarié et, enfin, n’y tenant plus, je lui demandai d’une voix contrite :

— Oh !… êtes-vous fâché contre moi ?

— Non, non, répondit-il à la hâte. Son bon sourire reparut tout à coup. Je suis parfois très irritable et, décidément, ce soir, vous découvrirez tous mes défauts, Phyllis. Pourtant, l’absolue sincérité est une vertu rare et je devrais l’en estimer davantage.

Il appuya un instant sa main sur la mienne qui reposait toute petite et brune au bord de la couverture.

— Vous m’avez déjà trouvé grognon et égoïste, dit-il encore, bientôt vous allez me détester.

— Oh ! non, bien sûr ! m’écriai-je, touchée par ses manières empreintes de tristesse et de douceur, jamais personne n’a été aussi bon pour moi que vous l’êtes…

— Je serais encore bien meilleur si je l’osais, fit-il en baissant la voix.

Tandis que je réfléchissais à ce que ces mots pouvaient bien signifier, et qu’une singulière pensée