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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/31

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PHYLLIS

pénétrait en mon esprit au sujet des sentiments de mon compagnon de route, nous arrivions à Rysland et nous arrêtions pour faire descendre les Hastings avec qui nous échangeâmes des adieux prolongés.

Le reste du chemin se passa dans le silence embarrassé tombé entre nous et nous vîmes enfin se dessiner dans l’obscurité croissante le portail de Summerleas.

M. Carrington sauta de voiture le premier en un instant, il se retourna pour m’aider à descendre et, déjà, je lui tendais la main, m’apprêtant à sauter, moi aussi, mais sans façon il me prit entre ses bras et me déposa doucement à terre. Après, il revint à Dora, qui attendait son retour en pinçant un peu les lèvres et il lui offrit sa main en grande cérémonie.

Et maintenant que me voilà seule, repassant dans ma mémoire toute cette belle journée, la conversation de M. Carrington me semble étrange !… étrange !


VI


Le lundi suivant (hier soir), comme j’étais en train de lire dans le petit salon, la brusque entrée de ma sœur me fit tressaillir.

Elle était encore en chapeau et je fus soudain frappée de ses yeux cernés, de ses traits crispés et de sa pâleur.

Plus de roses sur ses joues, elle avait l’air défait, lamentable. Je me levai, tout alarmée, et me précipitai vers elle.

— Dora, que t’est-il arrivé ?

— Oh ! rien, répliqua-t-elle avec un ton d’amertume qui voulait paraître insouciant… ou presque rien !

« Ceci seulement : c’est que Billy avait raison. Je suis maintenant certaine qu’il ne s’est jamais soucié de moi et n’a jamais eu l’intention de m’épouser !

— Quoi ? Qui ?

— Qui ? fit-elle, impatientée, quel autre dans ce trou aurait pu m’épouser, si ce n’est M. Carrington ?

— Comment sais-tu cela ? Qu’as-tu donc entendu ?

— Entendu ? Rien. Mais j’ai vu de mes propres yeux. Il y a une heure environ j’avais mis mon chapeau et étais allée me promener au bord de la rivière, là où une fois tu l’avais rencontré… Mon Dieu… je l’avoue, je me disais que, par chance, je pouvais le rencontrer, moi aussi. En effet, il y était, son affreux chien à côté de lui. Étant encore cachée par les arbres, j’hésitai un moment à poursuivre