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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/32

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PHYLLIS

mon chemin, me demandant si cela n’aurait point trop l’air de rechercher un tête-à-tête, et tandis que j’étais là, ne sachant que décider, il… (la voix de Dora se mit à trembler) il a tiré de sa veste un médaillon en or que je lui ai vu ouvrir et… (le tremblement se termina en sanglot) et il l’a regardé longuement et de tout près comme s’il voulait le dévorer… (Ici, je crus que ma pauvre sœur allait défaillir.) Enfin, il s’est penché tout à coup et il l’a… embrassé ! Et c’était un odieux portrait de femme ! s’écria Dora, à demi suffoquée, en se laissant choir sur un fauteuil sans déployer ses grâces habituelles.

Un soupçon absurde, mais terrible, s’empara de moi…

Un portrait ! Ne serait-ce point ma photographie ? La photo de Carston avec son œil de travers ?

L’instant d’après, intérieurement, je me moquai de cette idée.

Était-il vraisemblable qu’un homme intelligent, tel que M. Carrington, trouvât du plaisir à regarder, à embrasser la photographie d’une insignifiante petite fille ?

Cette réflexion me procura un immense soulagement.

Pendant ce temps, Dora offrait tous les symptômes du plus violent désespoir, et je la contemplais, embarrassée, me demandant quelle consolation lui donner.

Le nez et les yeux de Dora étaient légèrement rougis, je vis bien qu’elle retenait ses larmes de peur d’abîmer son précieux teint ; sa tête inclinée sur son épaule et toutes ses boucles éparses, elle était toujours jolie.

À sa place, j’eusse été affreuse à voir.

Moi, quand je pleure, c’est une avalanche !

Mes larmes tombent comme le déluge, je me mouche à grand bruit, mes yeux se gonflent et mon nez rougit affreusement et puis, quand j’ai pleuré de tout mon cœur, je m’arrête tout à coup, et me sens, après mon explosion, aussi rafraîchie que l’herbe tendre après la pluie.

Mais Dora ne saurait être que charmante et distinguée en toute circonstance.

En dépit du trouble de ma conscience, je me surpris à compter les larmes qui roulaient lentement, tour à tour, sur ses joues, l’une attendant poliment que l’autre lui eût cédé sa place.

Au moment où j’en arrivais au numéro quarante-neuf, Dora reprit d’une voix chevrotante :

— S’il est réellement épris d’une autre, — et com-