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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/34

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PHYLLIS

Maman regarda furtivement Dora qui ne bougea point, mais accentua l’expression douloureuse de son visage.

Une horrible pensée me traversa l’esprit :

Supposons qu’au cours de la conversation, M. Carrington fasse allusion à la photographie que je lui ai donnée ?

Que penseraient maman et Dora ?

À coup sùr la même idée leur viendrait, et la conclusion serait facile à trouver.

Cette pensée me glaça… il fallait à tout prix prévenir une pareille catastrophe !

Sans hésiter davantage je m’esquivai, traversai l’antichambre en courant et me trouvai devant la porte du cabinet paternel au moment où le châtelain de Strangemore allait en tourner le bouton.

Je l’attrapai par sa veste et lui chuchotait à la hâte :

— Ne dites pas un mot de mon portrait, pas un mot, à personne, comprenez-vous ?

Dans mon inquiétude d’être surprise je lui parlais tout bas, de très près, et le secouais pour accentuer mes paroles.

— Je vous le promets, vous pouvez compter sur moi, répondit-il sur le même ton en retenant ma main qui s’appuyait sur sa poitrine. Mais, dites-moi pourquoi…

— Pour rien. Allez, je vous dirai tout une autre fois !

— Phyllis, dit-il très vite et cette fois si bas que je dus tendre l’oreille, voulez-vous venir me retrouver au bord de l’eau demain dans l’après-midi, à quatre heures ?

Je cherchai à m’échapper et retirai ma main brusquement. Tout en fuyant, je lui soufflai au visage :

— Oui, demain, à cinq heures ! Car je savais qu’à ce moment-là père ne serait pas encore rentré, maman et Dora seraient en visites, et Billy prendrait sa leçon.


— Enfin, vous voilà donc, me dit-il le lendemain, comme vous arrivez tard ! Je vous accusais déjà de m’avoir oublié.

Et pourtant j’avais tant couru depuis la maison, que j’en avais les joues enflammées.

— J’ai fait un tour de force pour m’échapper, répondis-je en m’éventant avec mon chapeau, mais, après ce que je vous ai dit hier, vous m’auriez crue folle si je n’étais pas venue ; je vous dois une explication.

— Certainement. Je vous ai trouvé un air tragique. Voyons, de quoi s’agit-il ?

Devant ses bons yeux dirigés droit dans les miens,