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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/36

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PHYLLIS

voyagé et vu de jolies femmes, vous devez vous y connaître… Je vous en prie… montrez-la-moi ?

— Vous me promettez absolument de ne pas vous moquer de la personne que je vais vous montrer ?

— Mais non, je vous promets !

Il enleva de sa chaîne de montre un médaillon d’or très simple ; je me penchai curieusement au moment où il fit jouer le ressort. Comment pouvait-elle être cette rivale de la pauvre Dora ?

Et je restai saisie, pétrifiée, en reconnaissant les traits de Marian-Phyllis Vernon.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Je relevai lentement la tête et regardai mon compagnon. Il avait pris un air grave ; je dirai même anxieux.

— Ainsi, fis-je à voix contenue, vous m’avez mise dans un médaillon, moi aussi ?

— Ne dites pas « aussi », Phyllis, vous n’avez pas de rivale. Je ne possède aucun portrait de femme, sauf le vôtre !

— Alors, ce n’était pas vrai ce que vous m’avez dit de cette jeune fille de village ?

— C’était parfaitement vrai. Vous ne voulez donc pas comprendre ? Cette petite fille, c’est vous ? Et c’est votre image que j’embrassais l’autre jour, ici même. Il n’y a aucun visage au monde que j’aime autant que le vôtre.

— Mais je ne vous ai pas donné le droit de l’embrasser ! lui crai-je avec indignation. Je ne vous ai pas donné ma photo pour que vous la mettiez dans un médaillon et la traitiez de cette façon… D’ailleurs… je rétracte ce que je disais tout à l’heure. Vous n’y connaissez rien du tout… et personne ne me trouve jolie.

— Sauf moi, cependant, dit-il très doucement en regardant le portrait et mon visage comme pour les comparer… La Phyllis qui est ici, ajouta-t-il en montrant le médaillon, ne se fâche jamais… elle n’a pas l’air de trouver que je sois un paresseux, un méchant, un égoïste…

Impressionnée par ses reproches, je regardai, comme lui, l’innocente cause de tout ce trouble.

— C’est vrai, dis-je après un moment, je suis très à mon avantage sur cette photographie. Je suis même à peu près… passable. Cela doit venir de ce cadre en or.

— Souvenez-vous de votre promesse, dit M. Carrington d’un ton impassible : ne pas prononcer un mot de critique.

— Ah ! vous m’avez tendu un piège, fis-je en souriant malgré moi.