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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/37

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PHYLLIS

Appuyée contre le tronc d’un vieux chêne et les mains croisées devant moi, je réfléchissais à tous ces événements quand je m’aperçus que mon compagnon me considérait fixement. Mon chapeau gisait sur le sol et la brise éparpillait sur mon front mes boucles folles… Je lus dans le regard posé sur moi si profondément une expression nouvelle que je ne connaissais pas et qui fit battre mon cœur d’une crainte irraisonnée.

— Phyllis, murmura-t-il enfin, voulez-vous m’épouser ?

Un long silence suivit. J’étais si stupéfaite que je m’attendais à voir le ciel me tomber sur la tête.

Une demande en mariage ! à moi ?

Avais-je bien entendu ?…

Et si tout cela était réel, que deviendrait Dora ?

Il répéta, un peu déconcerté par l’expression effrayée de mon regard :

— Phyllis, chère enfant, dites que vous voulez bien m’accepter pour mari ?

Il prit mes deux mains glacées entre les siennes. J’étais trop frappée de stupeur pour pouvoir articuler un mot.

— Pourquoi ne me répondez-vous pas ? insistat-il. Sûrement, depuis des semaines, vous avez dû comprendre que je finirais par vous poser cette question. Quand même j’eusse attendu des années, il m’eût été impossible de vous aimer plus tendrement qu’aujourd’hui. Ô Phyllis, dites que vous voulez bien devenir ma femme ?

Je finis par balbutier :

— Je ne puis vraiment vous répondre comme cela. Jamais l’idée ne m’était venue que vous faisiez attention à moi. J’avais toujours pensé… nous croyions tous… que vous…

— Eh bien ?

— Que vous préfériez une autre que moi. Mais jamais, à personne, l’idée n’aurait pu venir que c’était moi que vous aimiez.

— Qui donc alors ? Votre sœur ?

— Oui, Dora. Papa et maman en étaient convaincus, et moi aussi.

— Quelle erreur absurde ! Mille Dora ne vaudraient pas une Phyllis. Je vous ai aimée, depuis ce jour où je vous ai rencontrée dans le bois, dans une situation critique, vous souvenez-vous ?

— Oui…

Je ne pus m’empêcher de rougir furieusement.

— C’est ce jour-là que mon grand amour m’est venu, et j’ai essayé de garder mon secret jusqu’à ce que cela me fût devenu impossible.