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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/38

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PHYLLIS

« Mais vous vous taisez, Phyllis. Pourquoi ? Je veux oublier ce que vous m’avez dit tout à l’heure.

« Je n’accepte pas de refus. Ma chérie, mon aimée, sûrement vous devez m’aimer un peu ?

Les yeux baissés et les joues en feu, je répondis :

— Non, je ne vous aime pas… pas comme cela.

— Comment l’entendez-vous ?

— Je veux dire : pas comme il faudrait pour aimer mon mari.

Un silence tomba sur ces cruelles paroles.

La main qui pressait la mienne relâcha un peu son étreinte, mais me retint cependant.

Relevant furtivement mon regard vers ce bon visage que je connaissais si bien, je fus frappée de son changement.

Immobile, pâle, ses lèvres tremblaient sous sa moustache blonde. Un grand chagrin assombrissait ses yeux.

Sachant que j’étais la cause unique d’un pareil changement, un remords aigu me traversa le cœur.

Je serrai ses mains de toutes mes forces et me hâtai de continuer :

— Mais j’ai beaucoup d’amitié pour vous… beaucoup !

« À part Roland et Billy je vous préfère à tous ceux que j’ai connus.

Ces pauvres protestations n’étaient guère encourageantes, pourtant elles ramenèrent le sang à ses joues, et la vie dans ses yeux.

— Est-ce bien, bien vrai ? Vous ne me préférez personne ? demanda-t-il ardemment.

— Oh non ! j’en suis sûre. Seulement, à part M. Brown le docteur, M. Johnston le notaire, et Brewster notre jardinier, je ne connais aucun homme. Je ne compte pas non plus notre curé, ni M. Hastings qui n’est pas un aigle.

Je souris à ce dernier et ce sourire agit plus que je n’aurais cru.

— Alors, s’écria-t-il, l’espoir lui revenant tout à coup, vous m’épouserez, Phyllis. Si, comme vous me le dites, vous avez de l’affection pour moi, je gagnerai votre amour quand vous serez mienne.

« Phyllis, continua-t-il sur un ton qui devait être de la passion, dites que vous croyez à mon amour ? Oh ! mon trésor, ma chérie, comme je vous ai désirée ! Comme j’ai souhaité ce moment qui me rapproche de vous ! Comme j’ai détesté les jours qui nous séparaient !

Il avait l’air si pressant, que je me sentais presque entraînée par la force de son amour… Mais le visage de Dora surgissant dans mon souvenir