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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/39

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PHYLLIS

arrêta les paroles sur mes lèvres et me fit reculer.

— Phyllis… Ne voulez-vous pas me consoler ? reprit-il d’un ton suppliant.

Que lui dire ?

Je commençais à trouver la situation vraiment difficile et j’aurais bien voulu m’en aller.

— Je crois que je ne veux pas me marier encore, dis-je en hésitant, car je craignais de le blesser.

« À la maison, tout le monde me traite en enfant et… vous êtes bien plus âgé que moi.

Voyant son regard changer encore, j’ajoutai vivement :

— Je ne veux pas dire que vous soyez vieux, vous êtes encore un homme très… très bien… Mais enfin, pour moi, une gamine… vous me faites l’effet d’un… d’un grand frère, un vieil ami… qui me ferait un peu peur si je devais toujours vivre avec lui.

— Au contraire, Phyllis, je vous gâterais tant…

— Oh ! on dit cela ! Et puis, un jour, vous vous apercevriez que je ne sais ni causer avec vous, ni vous faire honneur dans le monde. Et vous regretteriez de n’avoir pas épousé une femme plus raisonnable ou plus posée que moi.

Je m’arrêtai, fort étonnée de ma propre éloquence.

Il ne m’était jamais arrivé de prononcer un discours aussi réfléchi, aussi sensé.

— Phyllis, ne parlez pas ainsi, et tâchez de me donner une autre réponse ; je ne vous laisserai pas partir sans cela, insista M. Carrington avec force. Quand je pense à tout le bonheur dont je pourrai vous combler, si vous voulez seulement me le permettre ! Vous n’aurez pas un désir qui ne soit satisfait. Vous régnerez à Strangemore ainsi qu’une belle reine dans ses États.

Tout en parlant, il regardait sur mon visage l’effet produit par ses paroles.

— L’autre jour, continua-t-il, je m’en souviens, vous disiez que vous seriez heureuse de voyager à l’étranger. Je vous emmènerai et nous irons du Nord au Sud et de l’Ouest à l’Est aussi longtemps qu’il vous plaira. Je crois que cela vous enchanterait, Phyllis, ne dites pas non ?

Comment dire le contraire ? Oui, sans doute, tout cela me comblerait de bonheur : posséder un si beau château rempli de merveilles, faire tous mes caprices, voyager avec un train de princesse…

Je fermai les yeux, éblouie.

Mon Dieu, comme la femme est faible !

Je me sentis prête à céder.

Si je refusais définitivement d’épouser M. Carrington, cela le rapprocherait-il de Dora ?