Aller au contenu

Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
38
PHYLLIS

Non, au contraire ! D’ailleurs, je comprenais d’instinct qu’elle n’était pas la femme qui lui convenait… et cependant, j’hésitais encore.

— Me permettriez-vous de recevoir très souvent Billy, maman et… aussi Dora ? lui demandai-je timidement.

Aussitôt, un éclair de joie passa dans ses yeux.

— Ne vous ai-je pas dit que vous seriez ma reine à Strangemore et que vos désirs y seraient ma douce loi ?

Il profita du petit sourire qui fut ma réponse pour me baiser la main avec ardeur.

Mais, soudain, une affreuse pensée me traversa l’esprit.

Un instinct secret m’avertissait de m’arrêter et de réfléchir avant de me donner irrémédiablement à un homme pour lequel je n’éprouvais pas d’amour. Et si, plus tard…

Mais il fallait que je m’exprimasse à haute voix.

— Supposons, lui dis-je tout à coup, que, plus tard, quand je vous aurais épousé, il m’arrive de rencontrer un homme qui me plaise, et que je me mette à l’aimer « pour de bon ». Alors, qu’arrivera-t-il ?

Il frémit et son visage devint effrayant, il semblait défier son invisible rival.

— Qui donc vous a mis en tête une si horrible idée ? murmura-t-il. Quelle pensée diabolique ! Mais je défie pareille catastrophe. — Il sourit et haussa les épaules comme un homme sûr de lui. — Quand vous serez mienne, quand vous m’appartiendrez tout à fait, je vous défendrai contre le monde entier ! Oh ! Phyllis, petite enfant chérie, dites, dites que vous voulez ?…

Incertaine, troublée par sa propre émotion, je sentis que j’allais fondre en larmes, et ma tête s’appuya sur sa forte poitrine. Il baisa doucement et tendrement mes yeux.

— Eh bien, chérie, dites-le, maintenant, ce « oui » que j’attends ?

Très bas, très bas, je le lui dis enfin…

Sa volonté ardente l’emportait. Il me semblait que ce baiser venait de décider de mon sort en m’enlevant le pouvoir de dire non.

— Maintenant, regardez-moi, fit Mark avec un accent de tendresse infinie. Il releva doucement mon visage en pleurs que j’avais caché sur son épaule.

— Ne voulez-vous pas me permettre de contempler les yeux de ma fiancée ?

Je levai timidement vers lui mes yeux encore rouges et gonflés. Certainement, je ne devais pas