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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/41

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PHYLLIS

être en beauté, mais mon singulier amoureux ne parut pas être de cet avis, car je lus sur ses traits une expression de triomphe et de ravissement.

— Hélas ! soupirai-je pour le faire revenir sur la terre. Que dira-t-on à la maison ? Et qui osera le leur dire ?

— Ce sera moi, fit-il avec fermeté. Voulez-vous que je vous accompagne à l’instant et que je parle à votre père ?

— Oh ! non, non, fis-je, effrayée.

Je frissonnai rien qu’à l’idée de la scène qui s’ensuivrait.

— Maintenant, il est trop tard. Venez demain, vers quatre heures. J’aurai eu le temps de m’y préparer, et nous en finirons. Monsieur… voudrez-vous dire à mes parents que je ne me doutais pas… mais pas du tout, de… ce que vous alliez me demander aujourd’hui ?

— De mon amour profond, voulez-vous dire ? Eh bien ! c’est entendu. Ce sera pour demain. Mais laissez-moi, en attendant, vous reconduire un peu sur la route de peur que quelque lutin jaloux ne m’enlève mon bonheur.

Ensemble nous traversâmes le bois et gagnâmes la route.

Et moi ? Comment analyser mes sentiments ?

Je n’étais ni contente ni fâchée de ce que j’avais fait.

Je craignais surtout les conséquences qui devraient suivre la publication de nos fiançailles, si inattendues de ma famille.

Mon mariage était, à mes yeux, un événement encore très éloigné dans un brumeux avenir et je ne m’en inquiétais guère.

— Maintenant, Phyllis, il faudra que nous fixions la date, me dit-il tout à coup, et que ce soit bientôt.

— Oh ! fis-je, très décidée, nous avons bien le temps ! Je n’ai pas l’intention de me marier si tôt.

La physionomie de mon fiancé se rembrunit.

— Quelles sont vos intentions, alors ?

— Eh bien ! mettons dans… deux ou trois ans.

— Deux ou trois ans ! s’écria-t-il, les yeux subitement assombris.

— Pensez donc que je n’ai que dix-sept ans !

— Oui, et moi vingt-neuf, cela fait compensation. Voyons, voulez-vous que nous disions six mois ?

— Non, non, non ! m’écriai-je, plutôt que de me soumettre à une tyrannie quelconque sur ce point je préférerais aller me noyer !

— Supposez-vous, s’écria Mark, que je vous contrarierais en quoi que ce soit ? Vous ne ferez jamais que ce qui vous plaira. Mais Phyllis, ma chérie,