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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/45

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PHYLLIS

serais séparée plus facilement de Dora que de ma sauvage Phyllis !

Maman me laissa toute réconfortée et retourna avec un soupir aux difficultés qui l’attendaient en bas.

Billy reçut l’ordre de rester confiné dans sa salle d’étude, parce qu’en apprenant la grande nouvelle, il s’écria d’un air triomphant :

— Ah ! je l’avais bien dit que ce n’était pas Dora qu’il aimait !

Roland avait aussitôt pris mon parti. Il monta jusqu’à ma chambre pour me féliciter.

— Cette petite finaude, cette sorcière de Phyl, dit-il, comme elle sait s’y prendre ! Dora était trop languissante pour un type comme Carrington. Enfin, nous aurons toujours une noce, et j’espère bien être garçon d’honneur.

— Non, ce sera Billy, répondis-je.

— L’un n’empêche pas l’autre. Il éclata de rire. Ah ! si tu voyais la tête de Dora ! Elle était si sûre de l’épouser ! Elle reconstruisait ou bouleversait Strangemore !… Elle faisait de Carrington ce qu’elle voulait. Ah ! ah ! ah !

Je l’entendis rire, quand il partit, tout le long de l’escalier.

Lorsque, le soir, à table, je me retrouvai en face de mon père, il avait son air glacial que je connais si bien, mais il ne me dit rien. Je sentis qu’aux yeux de la famille la terrible Phyllis, le fléau de la maison, avait gagné en dignité et considération.

Dora n’assistait pas au dîner ; mère nous dit qu’elle avait la migraine ; cependant, après le repas, elle entra au salon où toute la famille était assemblée.

Elle avait les yeux rouges, vraiment, et ses joues délicates étaient privées de leur habituelle teinte rosée. Le désespoir le plus profond se lisait dans son attitude abandonnée.

Papa se leva ostensiblement et poussa un fauteuil pour elle au coin du feu, car les soirées d’octobre commencent à être fraîches.

Maman lui versa un petit verre de cassis et le lui porta elle-même. Et Billy, en signe de trêve momentanée, lui avança un tabouret sous les pieds.

Pour moi, je restai assise à part, gelant auprès de la fenêtre sans oser m’approcher ; je me faisais l’effet d’une paria. Je ne vis pas Roland qui s’approchait de moi sournoisement. Il me dit :

— Hum ! hum ! avec un clin d’œil et un sourire malicieux du côté de Dora, puis il me pinça le bras, ce qui me fit lit pousser un oh ! de surprise.