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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/46

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PHYLLIS

Cheekie, mon petit fox-terrier, accompagna mon cri d’aboiements bruyants et sympathiques, tandis que Roland s’esquivait en pouffant de rire.

Papa prit sa voix la plus réfrigérante :

— Je sais bien que je perdrais mon temps en faisant appel à vos bons sentiments, Phyllis, car vous n’en avez aucun. Mais, quoique vous soyez dépourvue de toute espèce de délicatesse, vous devriez comprendre que le moment est mal choisi pour vous laisser aller à une gaité indécente. Vous ne voyez pas que votre sœur est souffrante ? Votre manque de cœur est révoltant ! Sortez !

Je n’attendis pas longtemps pour profiter de la permission et gagnai la porte avec un soupir de soulagement.


IX


Bien qu’il ne l’eût donné qu’à contre-cœur, nos fiançailles ayant reçu l’assentiment de mon père. M. Carrington prend l’habitude de venir chaque après-midi à la maison où il est gracieusement accueilli par tous. Dora exceptée.

Non pas qu’elle lui témoigne une aversion ouverte. Si elle se trouve au salon au moment où il y entre, elle est aussi polie qu’avec n’importe quel visiteur, mais elle profite de la première occasion venue pour disparaître et ne revient plus de la soirée.

Nos rapports avec Mark deviennent plus intimes à mesure que le temps s’écoule… Pourtant, je n’ai pas le rayonnement de bonheur des très heureuses fiancées.

Parfois, un doute affreux me traverse l’esprit.

C’est que je vais peut-être faire un mariage d’argent. Oui, je me réjouis en y pensant à l’avarice de tout ce que je pourrai faire pour ceux que j’aime : maman, Billy, Roland… même Dora (je lui dois bien de ne pas l’oublier).

J’essaie souvent de me répéter que j’adore mon fiancé, qu’il est beau, qu’il est bon, distingué, charmant, et puis mes pensées prennent un autre chemin et je rêve maintenant au magnifique château dans lequel je vivrai désormais, où je serai reine, à la longue robe de velours bleu avec laquelle je balaierai les allées de Strangemore…

En attendant, je continue mes petits services de Cendrillon. Qui donc, quand je n’y serai plus, aidera Maria, Ketty et maman ? Père est si difficile ! Et Dora n’a pas l’habitude…

Je ne puis m’empêcher d’être fière de la superbe