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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/48

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PHYLLIS

Dora, je m’en réjouirais et cela paraîtrait tout naturel, mais toi, toi !

« Tu avais bien besoin de t’amouracher de ce garçon !

— Mais c’est lui qui s’est amouraché de moi ! Jamais je n’aurais imaginé une chose pareille !

« Enfin, inutile de discuter ce sujet-là puisque c’est une chose entendue. Mais ne te plains pas ; tu verras, Billy, ce que je ferai pour toi quand je serai mariée.

— Ah ! quoi donc ? fit-il avec un vif intérêt.

— Nous en avons déjà parlé ensemble, Mark et moi. Il te trouve intelligent…

— Il pourrait bien ne pas se tromper, interrompit mon cher frère sans fausse modestie.

— Laisse-moi finir. Et il a l’intention de t’envoyer à Eton pour finir tes études. Hein ? Que penses-tu de cela ?

— Oh ! chic, s’écria Billy…

— Et ce n’est pas tout. Quand tu viendras en visite à Strangemore, il y aura un fusil et un chien pour toi, je le lui ai demandé.

— Pas possible !

— Si, à la condition que tu apprennes à tirer et que tu ne tues personne.

— Je tire admirablement à la cible, dit mon jeune frère avec une superbe assurance. Mais tu m’en dis trop. Je ne crois plus aux contes de fées.

— Eh bien ! tu verras ! Quant à Roland il aura de l’argent tant qu’il voudra pour payer ses dettes, il n’aura plus besoin d’avoir peur de papa…

— Et à Dora, que lui donneras-tu ? Ta bénédiction ?

— Non. Des robes neuves tant qu’elle en voudra.

« Pour maman, je lui achèterai une écharpe de dentelle, un lorgnon d’écaille et un de ces beaux fauteuils à bascule comme il y en a à Carston. Je les regarde chaque fois que je passe dans la grand’rue. Elle sera si bien, là, pour travailler.

« Oh ! Billy, que ce sera bon d’être riche, et de ne plus travailler à la cuisine, de ne plus être grondée par papa, de me payer toutes mes fantaisies !

« Oh ! je crois que je me résignerais à épouser M. Carrington même s’il était aussi laid qu’un singe !

Dans un vif transport d’enthousiasme, je sautai sur mes pieds et je restai horrifiée, car à deux mètres à peine du petit tertre se tenait M. Carrington adossé à un arbre.

Je lus sur son visage une expression bizarre qui me donna à penser qu’il avait tout entendu.

On ne peut pourtant pas l’accuser de nous avoir épiés, car si nous avions seulement pris la peine de relever la tête, nos yeux auraient rencontré les siens.