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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/57

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PHYLLIS

du reste, m’eussiez-vous refusé, si je l’avais fait ?

En posant cette question, il me regardait d’un air interrogateur tout à fait curieux.

— Non, bien sûr. Mais cela ne m’empêcherait pas de penser que vous auriez pu m’en informer plus tôt.

« Jusqu’ici vous aviez prétendu n’avoir jamais aimé que moi, et maintenant faudra-t-il donc apprendre que déjà une douzaine de femmes vous ont brisé le cœur ?

Il haussa les épaules… Mais je le vis distinctement changer de couleur.

Mark répondit en détournant son regard :

— Je n’ai jamais dit cela. Vous dénaturez mes paroles.

— Cependant, avec vos fantaisies, vous me l’avez fait entendre.

— Vraiment, Phyllis, je trouve fort impoli que vous donniez aussi facilement des démentis. Je vous assure que c’est blessant.

— Eh bien ! vous en avez follement aimé une, en tout cas, dis-je malicieusement, bien plus pour m’amuser à le taquiner que pour chercher à savoir.

La réponse qu’il me fit, d’un ton très sérieux, m’étonna :

— Si un homme a commis une folie dans sa vie, doit-il, pour cela, être condamné sans pitié ?

— Je n’ai jamais dit, repris-je vivement, que c’était une folie d’être amoureux. Je dis seulement que vous auriez pu avoir la franchise de m’en parler plus tôt.

« Je déteste les mystères !

Mark souffrait visiblement. J’eus pitié de lui.

Allais-je troubler la paix de notre si heureuse union ?

— Là, lui dis-je pour le rassurer, ne vous inquiétez pas. Je n’ai aucune curiosité sur votre vie passée. Admettons que je n’ai rien dit.

Nous gardâmes quelque temps un silence embarrassé.

— Êtes-vous fâchée, Phyllis ? me demanda-t-il timidement.

— Oh ! mon Dieu, non ! Pourquoi une chose de si peu d’importance me toucherait-elle ?

Je cherchais à prendre un air dégagé, mais y réussissais très mal.

— Ma chérie, fit-il désolé. N’allez pas vous monter la tête pour une vieille passion morte et enterrée pour toujours !

« Dois-je être amoindri à vos yeux parce que je me suis imaginé, un jour, dans un coup de folie, que je ne m’explique pas encore, que mon cœur était pris ?

— C’est bien, dis-je sèchement, n’en parlons plus…