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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/58

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PHYLLIS

Un silence. Puis, tout à coup :

— Était-elle brune ou blonde ? demandai-je.

— Brune, affreusement brune !

— Grande ?

— Affreusement grande aussi… Ah ! c’était une aberration de ma part… un caprice de jeune homme, oublions cela, Phyllis, n’en parlons plus… ce sujet m’est odieux.

Et je me tus… Mais pourquoi faut-il qu’aujourd’hui cette visite — la première action qui, depuis notre mariage, ne nous est pas commune, — pourquoi faut-il qu’elle me remémore notre conversation d’alors, le seul nuage gris dans notre horizon bleu ?


Mardi matin.

C’était hier soir ; nous roulions en auto revenant vers minuit de l’Opéra, quand je m’aperçus que, depuis le matin, je n’avais pu causer seul un instant avec Mark.

Ni seuls à déjeuner, ni dans l’après-midi où nous avons eu des visites, ni à dîner en grand apparat dans l’immense salle de l’hôtel.

Et maintenant, en y réfléchissant, je me souviens qu’à plusieurs reprises j’ai trouvé Mark songeur, les yeux fixés dans le vide, comme perdu dans des souvenirs.

Souvenirs pénibles, sans doute, car il y avait sur son front une barre que je commence seulement à connaître.

— Qu’avez-vous eu aujourd’hui, mon ami, dis-je en glissant ma main gantée dans la sienne. Vous n’étiez pas aussi en train qu’à l’ordinaire ?

— Une pointe de migraine.

— Vous ne m’avez pas parlé de votre visite de ce matin. Avez-vous trouvé M. Brewster ?

— Oui.

— Eh bien ! avez-vous causé longuement de votre chère Amérique ?

Je sentis un léger frémissement de ses doigts.

— Oh ! très peu. Je déteste l’Amérique.

— Vous y êtes resté bien longtemps, cependant.

— Nous ne sommes pas allés seulement en Amérique. Nous avons beaucoup voyagé ensemble.

— Mais l’Amérique a été votre dernier voyage, n’est-ce pas ? Vous en arriviez directement quand vous êtes revenu à Strangemore ?

Il retira brusquement sa main et me dit tout à coup :

— Comment avez-vous trouvé le ballet ? Vous n’aviez jamais vu de ballet, je crois ?

Il rompait les chiens, c’était clair.