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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/68

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PHYLLIS

rait-on imaginer quelque noir dessein sous ces traits innocents ?

Je pensai aux vues secrètes de notre « Clair de lune » sur celui qui, en ce moment, buvait ses paroles. Je pensai à son petit caractère pointilleux et jaloux, à ses querelles fréquentes avec mes deux frères, mais j’acquiesçai d’un air enchanté.

— Qu’il y a longtemps que je ne vous avais vue, reprit-il.

— Longtemps ! Mais non, c’était le jour de mon mariage.

— Peut-on appeler cela : vous voir ? Je pensais à la visite que je fis il y a deux ans chez les Leslie, à Carston. Vous souvenez-vous de votre petite aventure, un jour que vous passiez à âne avec des amis dans la grand’rue ?

— Oh oui ! Sans vous, sans votre prompt secours, je frémis de penser à ce qui serait arrivé. J’étais justement en face des fenêtres de la banque quand ma selle a tourné, et je voyais disséminées aux fenêtres des figures rieuses de jeunes gens qui attendaient ma chute ignominieuse. Mais vous passiez, heureusement pour moi, vous vous êtes avancé…

— Oui, Mrs Leslie venait de me dire en vous montrant : Voici les misses Vernon, avec leurs ânes, je crois bien que la plus jeune va tomber…

— Et je parie que vous étiez justement en train de regarder ma sœur que vous trouviez jolie.

— Non, je ne vis que vous, je vous le jure. Et savez-vous que, pendant plusieurs jours, j’attendis chez Mrs Leslie un petit mot de vous, juste un mot de remerciement… qui ne vint pas.

— Écrire à un jeune homme ! Vous ne connaissez pas mon père : une pareille chose l’eût fait bondir. Je n’ai même pas eu l’idée de lui en demander la permission.

— Et vous n’auriez pas pensé à m’écrire sans… non, évidemment.

À ce moment lady Handcock me fit un léger signe.

Le moment était venu pour les dames de quitter la salle à manger.

Je me levai et traversai la salle avec beaucoup de dignité, satisfaite de ma première épreuve ; en passant, je me tournai légèrement du côté de Mark.

Il souriait, l’air content et fier, et je lui rendis son sourire.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Quelques jours ont passé ; nous commençons maintenant à nous connaître tout à fait, mes hôtes et moi.

À la fin de la semaine, arrivée de lady Blanche