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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/70

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PHYLLIS

— Jamais, probablement. Oh ! c’est toute une histoire que je vous conterai un autre jour.

Là-dessus, elle fit une pirouette et s’en alla tourmenter le malheureux Chip.

Pendant ce temps, Dora profite de son mieux de l’occasion.

Elle va vite en besogne, ma chère sœur, elle court presque, et ce sont les marches de l’autel qu’elle a prises pour but de sa course. Sa victime, le pauvre Ashurst, n’a plus d’yeux, d’oreilles, et de souffle que pour elle.

Venu à Strangemore pour chasser, il refuse de suivre ces messieurs pour s’attacher au sillage de ma sœur.

Le désir de plaire, l’excitation de cette lutte, prêtent au visage de Dora une animation inusitée qui la rendent encore plus charmante.

De son fauteuil, maman suit avec satisfaction le petit manège innocent de sa fille. Marier richement Dora a toujours été son vif désir, et qui sait si… cette fois-ci… ?

Toutes ces idées me tournant dans la tête, à mot aussi, je voulus en parler un peu librement avec Mark et allai le chercher en son repaire, c’est-à-dire dans sa salle d’armes qui contient une collection complète de fusils, épées, fouets, éperons, etc., etc.

Lorsque j’y entrai, je le trouvai penché sur son meilleur fusil, un fusil neuf qu’il ne permet à personne de toucher. À l’aide de la plus grosse épingle que j’aie jamais vue, il essayait d’enlever quelques grains de poussière logés dans les fentes.

Il était encore rouge d’animation, et, en me voyant, il s’écria d’un ton irrité :

— Phyllis, avez-vous une toute petite épingle ?

« Je ne peux pas comprendre, fit-il en jetant rageusement la sienne, pourquoi on en fabrique de cette taille.

« Elles ne peuvent être de la moindre utilité pour nettoyer un fusil.

— Peut-être, dis-je, ne les a-t-on pas faites spécialement pour cet usage.

Je détachai de ma ceinture une épingle de taille raisonnable, Mark s’en saisit avec avidité et retourna aussitôt à sa tache.

Assise auprès de lui, je me contentai, durant quelques minutes, d’être le témoin muet de ses efforts.

— Mark, fis-je enfin, je ne trouve pas George Ashurst aussi stupide que cela.

— Que quoi, ma chérie ?

— Que vous l’aviez dit.