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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/81

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PHYLLIS

pincette, ses grands yeux fixes regardant les hautes flammes, enfin, elle se tourna vers moi.

— Phyllis, fit-elle doucement, je vous ai promis une confidence, je pense qu’il est temps de vous la faire.

Je pris place dans le fauteuil, à l’autre coin de la cheminée.

— Voyons, Lili, dites-moi votre histoire.

— Oh ! elle est courte, et finit mal.

« C’est il y a près de deux ans que je rencontrai lord Chandos dans le monde. Il s’éprit de moi.

« L’année dernière, il m’a demandé de l’épouser. Je l’ai refusé… c’est tout.

« Vous devez comprendre pourquoi nous n’avions pas envie de nous revoir…

— Vous l’avez refusé, ce beau garçon ?

— Oui, ma chère. Souvenez-vous qu’à ce moment il n’était encore que le petit lieutenant Everett, cadet sans fortune et sans espérances, réduit à sa solde, et moi, Phyllis, je suis loin d’être une héritière. En mourant, mon père ne m’a laissé qu’une médiocre fortune, ma mère s’est remariée et ne se soucie guère de moi. Mon oncle James et ma tante sont très bons pour moi, il est vrai, mais je ne suis pas leur fille et si une partie de leur héritage me revient un jour, j’espère que ce sera dans des vingtaines d’années.

« Si j’avais consenti à devenir sa femme, nous aurions connu presque la misère (elle frissonna d’horreur). Pouah ! la misère même avec un homme aimé…

— Vous l’aimiez ?

Elle ne répondit que par un haussement d’épaules et un soupir éloquents en fermant une minute ses beaux yeux, comme pour y enfermer la vision des jours heureux.

— Il a été vraiment gentil à cette époque, reprit-elle au bout d’un moment et, pourtant, je ne le méritais guère, car il faut que je vous l’avoue, Phyllis, j’avais flirté avec lui sans pitié.

« Je savais fort bien que, lorsqu’il en viendrait à demander ma main, je dirais non.

« Pourtant, je l’aimais… mais je ne pouvais me décider à lui déclarer bravement mes intentions et à le renvoyer. Que de souffrances nous aurais-je ainsi épargnées à tous deux !

— Comment cela s’est-il passé ? dis-je, en posant ma main sur la sienne.

— C’est un matin qu’il vint me faire sa proposition, continua-t-elle de sa voix rêveuse, en s’arrêtant de temps à autre, oui, un matin de bonne heure.