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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/82

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PHYLLIS

« Rien, autour de nous, de sentimental ou de poétique : ni clair de lune, ni fleurs, ni musique. Il était venu me voir parce que nous partions le lendemain pour la campagne…

« C’était en juillet, et nous ne devions pas nous revoir de longtemps. Je me souviens qu’il pleuvait, je crois encore entendre le bruit si triste des gouttes d’eau sur les vitres, il était ému et ne parlait guère… Je faisais à moi seule toute la conversation, puis, sans aucune préparation, il me dit ce qui l’amenait et je lui répondis… ce que je vous ai déjà dit.

Je lui serrai tendrement la main.

— Et ensuite ?

— Eh bien ! c’est alors qu’il a jugé à sa valeur la jeune fille qu’il aimait. Je lui dis que, même si je l’adorais, la pauvreté de sa situation serait entre nous une barrière insurmontable.

« Et, tout en parlant, je me comprimais le cœur pour ne pas lui dévoiler le trouble que je ressentais.

« Oh ! ce qui est bien certain, c’est que quand il me quitta, il connaissait à fond et il méprisait celle qu’il avait cru aimer.

« Il me déclara qu’il s’attendait d’ailleurs à un refus et savait bien qu’il n’aurait pas dû aspirer à ma main.

« Il ne me blâmait pas, et ne me demanderait jamais de revenir sur ma parole. Mais, en parlant, ses lèvres tremblaient ; il était pâle comme la mort ! Je me raidis, j’avais résolu de ne pas céder.

« Mon Dieu, fit-elle avec agitation en se levant pour marcher dans la chambre, qu’auriez-vous fait à ma place ?

— Je crois que j’aurais cédé… Quoique, il est bien difficile quelquefois de se mettre à la place des autres… Ainsi, l’autre jour… Lili, vous m’écoutez ?

— Oui, oui, parlez. Vous disiez : « l’autre jour… » Que vous est-il arrivé ?

— Non, pas à moi, dis-je en rougissant, c’était une jeune femme dont on me contait l’histoire.

« Mariée à peine depuis quelques mois, elle découvre que son mari a eu une liaison avant son mariage, il lui en fait un mystère, lui interdit d’y faire la moindre allusion, et cependant il continue à recevoir des nouvelles de…

— De l’autre femme ?

— Oui, par un de ses amis. Elle est… intriguée, indignée, elle ne sait à quoi se résoudre… Vous, Lili, que feriez-vous ?

— Mais, ma chérie, cela dépend des sentiments de la jeune femme envers ce mari volage.

— Il n’est pas volage, il l’adore, c’est le meilleur des maris, et cependant…