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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/87

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PHYLLIS

dans le cabinet voisin et siffloter mon mari, j’ouvris sans bruit.

Il n’avait pas encore passé son costume de seigneur oriental.

— Mark, fis-je de loin, sans bouger, comment me trouvez-vous ?

— Oh ! la ravissante Esméralda ! s’écria-t-il avec enthousiasme.

Et, me prenant délicatement par la main pour ne pas abîmer ma toiletie, il me conduisit devant son miroir.

— Regardez, dit-il, avez-vous jamais rien vu de si joli ! Je lui obéis et je dois avouer que ce ne fut pas sans une certaine vanité que je contemplai mon image.

Les couleurs vives du costume s’harmonisaient à mon teint et à la nuance de mes cheveux flottant librement jusqu’à ma taille. Je paraissais encore plus mince et plus petite avec mes pieds nus dans des sandales.

Je tenais à la main le tambourin d’Esméralda et devais m’en servir comme d’un éventail.

— Je ferai faire votre portrait dans ce costume, déclara Mark avec chaleur, et vous éclipserez toutes ces antiques dames qui trônent dans la galerie des tableaux.

— Suis-je aussi… aussi jolie que Dora ?

— Vous êtes mille fois plus jolie, c’est-à-dire que ce soir tout le monde va vous faire la cour. Je vois bien qu’il faut que je m’y résigne. Voilà ce que c’est que d’avoir une femme trop jolie.

— Suis-je, fis-je, enhardie par la chaleur de son accent, plus belle qu’aucune des femmes que vous avez connues ?

Je le regardais droit dans les yeux, et je crois qu’il lut dans les miens le fond de ma pensée, car il répondit en me souriant gravement :

— Vous êtes la plus belle comme vous êtes la seule femme que j’aie réellement aimée, Phyllis, il ne faut jamais en douter !

— Eh bien ! alors, voilà un baiser pour vous.

Je me haussai sur la pointe de mes sandales pour le lui donner. Au fond du cœur je lui pardonnai sa lettre et son mensonge ; tout était effacé.

Comme Mark, à cet instant, parut dangereusement enclin à me presser sur son cœur au grand détriment de mon costume, je battis en retraite et allai m’exhiber à Lilian qui se présenta en « rose » aux pétales brillants de rosée.

Ensemble nous descendîmes le grand escalier jalonné par une haie de valets en grand costume et brillamment illuminé…