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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/9

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PHYLLIS

lante et édentée, j’aurai peut-être un certain plaisir à relire ceci.

Voici Phyllis : dix-sept ans, ni brune, ni blonde, ni grande, ni petite. En vérité, rien ne la distingue du commun des mortels.

Et cela peut me paraître d’autant plus pénible que, pour une raison ou pour une autre, mes frères et ma sœur ont tous quelque droit à la beauté.

Ainsi Roland, notre aîné, est de belle taille, il a l’air distingué et plaît infiniment.

Dora, la cadette, est délicieusement jolie, c’est une mignonne statuette de Saxe, rose, blonde et languissante.

Mon cher Billy, le dernier-né de la famille, est un charmant garçon de quinze ans, aux grands yeux bruns, limpides et souriants, qui trompent bien les gens sur son caractère.

Quant à mon humble personne, hélas ! plutôt garçon que fille, elle est entièrement dépourvue de charme féminin, de ces jolies façons câlines qui font de ma sœur une créature irrésistible.

À l’exemple de mon cher Billy, j’adore les jeux de garçon et je n’ai peur de rien. Je puis bien m’avouer à moi-même que, telle que me voilà faite, je n’ai pas grande chance de plaire. Mais je m’en console très aisément.

Pour citer une phrase de mon père, je suis « une triste bévue » ; il faut bien que j’en prenne mon parti.

Maman, la meilleure et la plus douce des mères, me gronde et m’encourage alternativement, cherchant sans cesse à pallier où excuser mes sottises aux yeux de notre terrible père.

Mais je me perds dans des considérations morales et j’interromps le tableau que j’essaie de tracer de ma petite personne.

Petite, oui, plutôt ; cheveux bruns toujours embroussaillés, rebelles à la brosse et au meilleur cosmétique de Roland, yeux bleus ou gris suivant le temps et mon humeur. Extrémités fines… mais, comme depuis dix-sept ans je professe une sainte horreur pour les gants, la peau de mes mains, à force de hâle, est devenue brun foncé.

Ma taille, si l’on veut en croire mon frère aîné, a une étonnante analogie avec une canne à pèche, mais mon nez, lui, est présentable, et j’en suis passablement fière.

Avec ce visage, avec ces manières désordonnées, je forme évidemment contraste avec notre exquise Dora, qui ne s’anime jamais, ne se met jamais en colère ; elle est si fragile ! Elle craint tant, aussi, de