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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/90

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PHYLLIS

— Permettez-moi d’en douter. Tout ce que je puis vous dire, c’est que je vous préfère à toutes !

Je ne suis pas à l’épreuve de la flatterie, aussi un sourire épanouit-il mon visage.

— Eh bien ! si vous êtes content, il faut en avoir l’air, repris-je. Quand je le suis, moi, tout le monde peut s’en apercevoir à ma figure.

— Je le sais. Mais vous avez affaire à un ingrat, que voulez-vous ! Plus J’obtiens, plus je désire. Quand un homme est affamé, lui donner une bouchée de pain ne fait qu’augmenter ses souffrances.

Je lui ris en pleine figure, tandis qu’il m’entraînait dans le mouvement de la danse.

Après quelques tours, nous nous arrêtâmes pour souffler.

— Êtes-vous toujours en pleine béatitude ? me demanda mon cavalier. Votre bonheur est-il encore sans nuages ?

— Oh ! quelle question inutile ! Ne vous ai-je pas dit que rien, ce soir, n’aurait le pouvoir de diminuer ma joie ? Pourtant, parfois, je me sens troublée par une grosse inquiétude.

— Et c’est ?

— Que cette soirée aura une fin. N’est-ce point navrant ?

Et j’éclatai de rire, sans souci de ma dignité de maîtresse de maison.

— J’ai pourtant d’autres bals en perspective. Mark m’a promis de me conduire à Londres au printemps.

— Et vous y perdrez bien vite le sentiment de plaisir que vous ressentez ce soir. Écoutez mon conseil : n’essayez pas d’une season à Londres, vous en arriverez à regarder la danse comme une corvée ennuyeuse ; vous vous souviendrez alors que je vous l’ai prédit.

— Je ne veux me souvenir de rien, fis-je d’un ton espiègle, sauf qu’en ce moment je n’ai pas un souci au monde ! Venez, entrons dans la serre ; je soupire après un fauteuil et un peu de fraîcheur.

Sir Francis parut hésiter à satisfaire mon envie…

Il avait l’air contrarié, gêné, puis enfin, il se décida et nous entrâmes.

Lentement, nous marchions à petits pas parmi les bosquets de fleurs jusqu’à une petite retraite, coin d’ombre et de verdure où je savais trouver des sièges.

Une senteur exquise parfumait l’air, un mince jet d’eau égrenait ses gouttelettes brillantes dans une vasque presque à nos pieds.

Quelques grands arbustes, dispersés çà et là, abritaient des sièges rustiques.