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Page:Pujo - Phyllis, 1922.djvu/92

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PHYLLIS

Puis, je fis à lady Blanche un impertinent petit salut de la tête et reprenant le bras de mon cavalier :

— À tout à l’heure ! Vous le voyez, aux tête-à-tête, je préfère encore la salle de danse. Rentrons, sir Francis, j’entends le prélude d’un boston.

Je rentrai dans la salle de bal, riant et bavardant, décidée à m’étourdir et à m’amuser malgré tout.

Je voulais éloigner de mon esprit la vision du visage irrité de mon mari. Quel droit avait-il de me regarder de la sorte ? Et lui, que faisait-il dans la serre ?

Est-ce que je me tourmente de ses assiduités auprès de sa cousine ? Ce serait vraiment puéril de ma part !

J’allais refuser la danse que me demandait sir Francis, lasse tout à coup et sans entrain, lorsque la voix de Mark, tout près de mon oreille, me fit tressaillir.

— Si vous n’êtes pas engagée, voulez-vous m’accorder ce boston ? me demanda-t-il cérémonieusement.

— Si vous voulez. Mais êtes-vous à ce point dépourvu de danseuse ? Danser avec sa femme, cela manque d’agrément.

Il ne répliqua rien, mais il m’entraîna dans le flot des danseurs. Vraiment, sir Francis, lui-même, ne danse pas mieux que mon mari. Après plusieurs tours du salon, il me conduisit jusqu’à un canapé, placé dans une profonde embrasure.

— Reposez-vous. Je ne veux pas vous infliger davantage ma société. Voulez-vous que j’aille vous chercher un autre danseur ?

— Mon Dieu, Mark, m’écriai-je vivement, pourquoi me parlez-vous sur ce ton maussade ? Dites tout de suite ce que vous avez sur le cœur, au lieu de me regarder avec cet air farouche. Il va vraiment bien avec votre costume oriental. Je me demande, fis-je en riant, si vous n’avez pas un poignard caché dans vos vêtements, dont vous avez le noir dessein de me percer le cœur. Enfin, qu’ai-je fait ? De quoi m’accusez-vous ?

— Je ne vous reproche rien, Phyllis.

— Non… J’en étais sûre. C’est votre manière habituelle. Vous préférez prendre un air furieux et ne me rien dire. C’est agaçant ! Je voudrais au moins savoir pourquoi ?

— Alors, je vais vous le dire, répliqua-t-il froidement. Est-il convenable à une jeune femme de danser une soirée entière avec le même danseur ?

— Lequel ? fis-je d’un ton négligent.

— Garlyle, bien entendu. Tout le monde vous a