Page:Puyjalon - Les hommes du jour Joseph Marmette, 1893.djvu/15

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« — Je crois que vous avez un peu durement reçu ce pauvre capitaine.

« Marc, en parlant ainsi, n’était point sincère ; au contraire, il était enchanté d’avoir vu humilier devant lui cet arrogant officier.

« — Vous pensez ? dit Alice, en glissant un malin regard entre ses longs cils. Bah ! Tant pis pour lui ! S’il vous avait salué, encore, je ne dis pas ! Pour lui prouver que j’aime autant danser avec vous que je le déteste lui-même et pour faire pièce à sa vilaine danse anglaise, venez exécuter un pas de gavotte avec moi. »

Tout cela n’est-il pas agréablement dit et pensé ?

N’est-ce point ainsi que devaient agir et penser les Marc Évrard et les James Evil de cette époque ?

Et ne devaient-ils pas combattre et mourir comme Marmette le décrit dans les pages qui suivent ?

« En voyant monter vers lui ce mourant, armé d’une épée qu’il pouvait à peine tenir, Evil eut un sourire d’infernal contentement. Il fit signe à Gauthier, qui venait d’armer son mousquet, de déposer son arme, et attendit sans bouger, avec le rire satanique de la vengeance aux lèvres, ce spectre vivant qui se traînait vers lui.

« — Attends… balbutia Évrard en s’approchant, il me reste encore… assez de force pour te tuer.

« Le bras tendu, l’épée au poing, il arriva enfin près d’Evil.

« — Ô mon Dieu ! dit Évrard, donnez-m’en la force.

« Evil bondit sur Marc, lui arracha son épée, qu’il jeta loin d’eux, saisit Évrard par les poignets et la gorge, et, traînant le malheureux jusqu’au bord du rocher :

« — Tu as tort d’invoquer Dieu en ce moment, lui dit-il. L’esprit de la vengeance est Satan, et c’est mon Dieu, à moi. Vois-tu comment il t’a jeté sans défense dans mes mains vengeresses ? Tu m’as vaincu d’abord, et pourtant je vais rester le dernier sur la brèche. Mais avant de piétiner sur ton cadavre, je veux, là, sous tes regards mourants, que le feu infernal de la jalousie te ronge aussi le cœur : avant que tu rendes au diable ton âme maudite, ta femme, entends-tu ? ta femme sera mienne, ici, sous tes yeux.

« Dans un dernier effort, Évrard se débattit pour échapper à l’étreinte de son ennemi. Mais Evil le souleva de terre et le poussa dans le vide.

« L’infortuné jeta un cri étouffé et s’en alla tomber au fond du ravin.