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RÉCITS DU LABRADOR

époux ; souvent même je les ai vues prendre part aux discussions d’intérêt commun et provoquer par leur bon sens et leur intelligence l’attention des hommes et se faire écouter avec considération de leurs auditeurs.

Les relations entre les sauvages et les blancs sont assez peu suivies ou plutôt assez peu intimes. Peu de chasseurs rouges parlent le français ou l’anglais et beaucoup affectent de ne pas comprendre ces deux langues. Cependant, ils vous accueillent avec la plus complète cordialité sous leur tente ou dans leur cabane lorsque vous avez recours à leur hospitalité. Ils sont entre eux d’un dévouement sans égal, partageant tout et cela sans compter, jusqu’à épuisement absolu. C’est de l’imprévoyance, dira-t-on, mais c’est aussi de la charité, et de la meilleure.

Pourquoi cette race de mœurs pures et dont la vie perpétuelle au grand air devrait entretenir la vigueur, obéit-elle à la loi fatale d’extinction qui frappe toutes les races aborigènes ? Je ne saurais l’expliquer et ne puis que le déplorer de toute mon âme ; mais, hélas ! le fait est certain, trop certain. Les Montagnais s’en vont. Depuis qu’ils ont goûté aux produits de la civilisation, depuis qu’ils ont des tentes, des barges, des provisions de choix, ils s’en