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RÉCITS DU LABRADOR

manière qu’il ne peut les ramener au-dessus du thorax, ni les diriger latéralement. Il doit toujours prendre en avant et faire face à l’ennemi. C’est pour cette cause qu’il abrite sous une roche creuse ou dans un trou l’appendice testacé que l’on appelle sa queue, ne laissant paraître au dehors que les formidables tenailles qui lui servent à livrer bataille et à s’emparer de sa proie.

Mais le homard a des faiblesses et, vers le soir, surtout à la saison des amours, il abandonne son repaire et va chercher, au milieu des herbes à outardes (zostères), qui tapissent le fond des anses, la satisfaction de ses plus légitimes appétits. C’est alors que le goëland roublard et qui se rit des plus tendres sentiments entre en scène à la marée basse. Il vient se poser à très petite distance du homard resté presque à sec et semble se préoccuper uniquement de fouiller les herbes pour y découvrir un mollusque timide. Puis, s’approchant peu à peu, cauteleusement, il saisit par la queue le pauvre diable de crustacé et le hale très rapidement sur une des roches plates qui émergent, à l’ordinaire, au milieu de la vase et des aigues des baies du Labrador. Une fois rendu là, il immobilise sa victime en la renversant sur le dos et lui brise le test à