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RÉCITS DU LABRADOR

grands coups de son bec solide et dur comme un pic de mineur.

Avec les oursins, les crabes et les petits homards, il use du procédé qu’a signalé pour la première fois le bon Jean de La Fontaine, de fablière mémoire. Il s’en saisit, s’élève avec eux à une certaine hauteur dans l’espace et les laisse retomber sur les roches, où leur enveloppe testacée se brise en mille pièces.

Le goëland, pour satisfaire sa gloutonnerie, ne s’en tient pas seulement aux crustacés, aux mollusques et aux poissons : il détruit, en outre, une quantité considérable de jeune gibier.

Les toutes petites moniacs (canard eider, somateria mollissima) ont beaucoup à souffrir de ses déprédations et de son peu de respect et de pitié pour l’enfance. Il les gruge sans merci et toujours avec cet air hypocrite de derviche qu’on ne saurait lui pardonner. C’est à peine si la pauvre mère moniac a le temps de s’apercevoir du cruel destin de sa progéniture.

Lorsqu’il avise une nichée de ces jeunes oiseaux, il vient se poser bruyamment à quelques pas d’eux. Ceux-ci, effrayés, plongent immédiatement et, suivant leur coutume invariable, se dispersent sous l’eau. Le goëland, qui a l’œil très puissant, suit cette manœuvre de près et, lorsque le petit