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RÉCITS DU LABRADOR

palmipède revient à la surface, il s’en saisit avant qu’il l’ait atteinte. Puis il l’avale sous l’eau, dissimulant ainsi son crime, qu’il renouvelle aussi souvent qu’il le peut sans s’exposer aux coups de bec de la mère, peu clairvoyante, mais très robuste, qui n’hésite pas à le charger vigoureusement aussitôt qu’elle s’est rendu compte de son malheur.

Le goëland n’exerce pas de déprédations et ne satisfait pas sa gloutonnerie seulement sur les eaux marines. Il remonte aussi les rivières et se rend souvent jusqu’aux lacs les plus éloignés. Il est un des principaux agents de la dispersion des poissons dans les eaux douces. Il transporte, collés à ses pattes par des mucosités particulières ou emmagasinés dans son estomac, des œufs de poissons qu’il dépose ou dégorge avant qu’ils n’aient été décomposés par les agents extérieurs ou altérés par les sucs gastriques. C’est ainsi qu’une multitude de réservoirs séparés de toutes les sources poissonneuses se sont peuplés d’espèces variées. C’est ainsi, également, selon toute vraisemblance, que certaines espèces, exclusivement marines, comme le hareng, ou marines et fluviales comme l’éperlan, se sont acclimatées dans des lacs d’eau douce, où elles semblent n’avoir éprouvé encore que de très légères modifi-