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RÉCITS DU LABRADOR

relèvent, les bâtons se brisent, les loups-marins hurlent. C’est une animation, un désordre apparent, un combat insensé qu’il faut avoir vu, auquel il faut avoir pris part pour en comprendre toutes les joies, en connaître toutes les émotions.

Bientôt la tuerie achève faute de victime, et l’on procède au dépouillement des morts. Les peaux attenantes à la graisse s’enlèvent avec une incroyable rapidité. Quelques minutes suffisent à cette opération que certains chasseurs appellent habiller, sans doute par ironie, et que d’autres désignent par le mot scalper. Un habilleur habile prend cinq ou six minutes pour séparer des chairs la graisse et la peau du plus gros loup-marin.

Une fois toutes les peaux levées on les lace.

Lacer consiste à renfermer dans une grande peau, dont les bords ont été percés de nombreux trous, trois ou quatre peaux plus petites, puis à refermer cette enveloppe au moyen de garcettes (petites cordes) passées dans les ouvertures que l’on a ménagées, et à traîner le paquet ainsi disposé jusqu’au navire. Il va sans dire que, lorsque je dis « peaux » en décrivant l’opération du laçage, j’entends toujours les peaux encore adhérentes aux graisses ; celle qui