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RÉCITS DU LABRADOR

tation. Elle la surpassait. C’était mieux qu’une cuisinière : c’était une virtuose, la virtuose du ragoût de moniac.

Je ne sais pas si vous êtes curieux. Je le suis beaucoup. Oh ! je n’écoute pas derrière les portes, ce n’est point ainsi que je l’entends. Mais je suis curieux de ce que je ne sais pas. Apprendre me paraît la seule chose réellement intéressante ici-bas et pour savoir demain ce que j’ignore aujourd’hui, il n’est rien que je ne puisse accomplir. Je voulus donc savoir comment se préparait le ragoût de Ludivine.

— C’est très simple, dit-elle : après avoir plumé et vidé ma moniac, je lui fais jeter un bouillon dans l’eau chaude pendant un quart d’heure, puis je la racle avec soin. Je la passe à l’eau froide et la dépose dans ma tourtière, sur un fond de tranches de lard très minces et d’oignon haché menu. Je laisse mijoter doucement en allongeant la sauce, petit à petit, avec de la farine grillée arrosée de bouillon. Quelques minutes avant de servir, je sale, je poivre et j’ajoute une cuillerée à soupe de mélasse. Voilà !

— De mélasse ! dis-je. Je croyais que Grégoire n’en avait trouvé ni chez V… ni chez H… ?

— En effet, ils n’en ont pas, me répondit-elle. Je me suis servie de celle que j’ai