Page:Quatremère de Quincy - Notice historique sur la vie et les ouvrages de M. Chalgrin, architecte.djvu/15

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la théorie, et qui ne divise en idée les parties de l’art que pour mieux faire comprendre par l’examen particulier de chacune, le besoin qu’elles ont d’être réunies. On n’avait pas encore introduit dans l’ordre administratif l’existence de ce pouvoir universel de bâtir pour tous les architectes ; pouvoir qui s’interpose entre l’auteur d’un ouvrage et l’ouvrage même ; qui s’immisce dans tous les détails de la pensée de l’artiste pour en discuter, non les raisons, mais les dépenses ; qui mesure les conceptions du goût à la toise, pèse chaque ornement dans la balance de l’économie, modifie et recompose toutes les compositions au gré d’un calcul mercantile, et condamne l’architecte à rester spectateur passif de l’exécution d’un ouvrage qui n’est plus le sien ni celui de personne.

M. Chalgrin aurait tenu beaucoup trop à l’honneur de son art, pour subir le joug de ce régime humiliant. Personne, en effet, plus que lui ne porta, soit dans les relations sociales, soit dans les rapports que ses travaux lui donnaient avec les grands et les hommes en place, ce sentiment de noblesse et de dignité qui tient à l’indépendance du talent, et relève, dans l’opinion publique, l’idée qu’il est utile qu’on s’en forme.

L’antiquité a eu quelques artistes, et des plus célèbres, qui, orgueilleux de leur profession et fiers de leur talent, prétendaient que leur extérieur annoncât leur mérite, et que la magnificence de leurs vêtements commandât le respect qu’obtiennent ordinairement les signes extérieurs. Tels furent, selon Pline, Parrhasios et Zeuxis.

Tel s’est montré aussi M. Chalgrin, aux jours de sa prospérité. Sa manière d’être avait de la grandeur et de la magnificence. Selon lui, le talent devait paraître avec les dehors de l’opulence. En considérant que l’architecte est appelé à exercer deux sortes d’autorité, l’une réelle sur ceux qui concourent à ses travaux, l’autre d’opinion sur le public et les hommes en place, peut-être ne trouvera-t-on pas qu’il lui soit inutile de marcher environne de ces dehors qui commandent la considération.