Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vega ou de Ramon. Enfin, à la première représentation, personne n’entendit rien à la pièce et à la seconde, il fut fort heureux pour moi que Dieu eût permis qu’elle commençât par une guerre et que je fusse armé d’une rondache. Autrement, j’étais perdu : on m’assommait à coups de coings, de tronçons de fruits et de pelures de melons d’eau. L’on n’a jamais vu une pareille huée et la pièce la méritait certainement bien. On y faisait paraître, sans raison, un roi des Normands en habit d’ermite ; on y introduisait deux laquais pour faire rire, et le dénouement n’était rien moins que le mariage de tous les acteurs. Que l’on juge du reste ! Enfin nous fûmes accueillis comme nous le méritions.

Nous nous en prîmes du mauvais succès au poète, notre camarade, et nous le traitâmes fort mal, moi-même le premier, en lui disant de considérer comme nous l’avions échappé belle, et de se corriger. Alors il m’avoua qu’il n’y avait rien de lui dans la comédie ; qu’en prenant un lambeau de l’un et un lambeau de l’autre, il avait fait le manteau du pauvre, composé de pièces et de morceaux, et que tout le mal avait été qu’ils étaient mal cousus. Il ajouta que tous les farceurs qui faisaient des comédies étaient obligés à quantité de restitutions, parce qu’ils mettaient à contribution toutes les pièces qu’ils avaient jouées, ce qui était très facile, et que l’appât de gagner trois ou quatre cents réaux leur donnait cette tentation ; que d’ailleurs, comme les uns et les autres leur lisent des comédies, ils les demandaient sous prétexte de