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Page:Quincey - Confessions d'un mangeur d'opium, trad. Descreux, 1903.djvu/16

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PRÉFACE DU TRADUCTEUR

algébriques, mais en représentations directes. Nous pensons aux funérailles d’un grand homme : cela se reproduit aux regards de la conscience sous la forme d’une page de livre, d’une colonne de journal, quand nous avons ainsi connu le fait ; mais si nous en avons été les témoins oculaires, nous assistons a une véritable résurrection de la scène, exacte comme une photographie, mais vivante, pleine d’un bruit et d’un mouvement de foule, comme ces réapparition de nos existences antérieures, que M. Camille Flammarion nous promet dans Lumen. D’autres fois, ce tableau qui se présente à nous, a été réellement sous nos yeux, nous croyons ne l’avoir jamais vu. Richard Savage Landor raconte, avec un souvenir de terreur, l’impression qu’il ressentit en voyant pour la première fois (c’est-à-dire en croyant voir pour la première fois) un paysage absolument identique à celui qu’il avait vu en rêve quelques jours auparavant, fait qui prouve que les choses oubliées ne disparaissent nullement de notre esprit. Les auteurs classiques de la psychiatrie citent un homme qui, dans un accès de délire, récitait de longues tirades de Phèdre, avec une intonation fort dramatique. Il ne savait ni lire, ni écrire, et le seul incident de sa vie qui eut quelque rapport avec la pièce de Racine, c’était qu’il l’avait vu représenter une seule fois. Il n’avait rien compris, mais il avait vu et entendu, il n’en avait pas fallu davantage pour graver dans sa mémoire une inutile représentation de la pièce.

Ainsi, de l’action de certaines substances sur l’intelligence, nous passons à l’exercice automatique invo-