l’idole que
je pends à mon cou ; il est fait
comme moi ; comme moi, il est seul ; comme
moi, il marche dans son sable, sans trouver
de compagnon ; comme moi, il regarde de son
banc, et il ne voit jour et nuit cheminer
que lui seul sur sa plage : son souffle
efface ses années mieux que je n’efface
de mon souffle les pas des caravanes à
clochettes résonnantes. Les mondes, les
nations, les étoiles ailées, se reposent
en passant vers sa citerne, comme les
cigognes voyageuses s’arrêtent une nuit vers
l’abreuvoir de mon puits. Pour le parer, je
n’ai point de bracelets de Perse, ni
d’ivoire de l’Inde, ni d’or de Chaldée ;
les rayons du soleil à midi sont tout mon
héritage ; je lui en ai fait une épée qui
flamboie ; et mon immensité sans bords, sans
portes, sans sources, sans confins, est le seul
ornement que je lui puisse donner.
J’avais un palmier que j’aimais ; son tronc
était svelte comme une fille de Damas, sa
cime portait son feuillage, comme une
samaritaine porte sur sa tête une cruche
pleine en revenant de la citerne. Pourquoi
es-tu triste, beau palmier aux mille fleurs
couleurs de feu ? Si tu cherches de l’ombre,
j’en irai demander en rampant à mes
bruyères ; si tu cherches de l’eau, je
retournerai en arrière pour tremper de rosée
un pan de ma ceinture.
- Ni l’ombre de tes bruyères ni l’eau de rosée
ne me consoleront ; je veux d’un souffle
faner mes fleurs ; je veux creuser de rides
mon jeune tronc. Pour jamais, je veux voiler
ma tête de mon feuillage échevelé, comme
un prêtre en deuil. Je suis triste à mourir,
de ce que j’ai vu, en montant au plus haut
de ma cime, du côté du Golgotha.
-
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