Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/135

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Ne meurs pas, ô mon palmier d’amour : je n’ai que toi que mes lèvres puissent baiser depuis le jour jusqu’au soir. Ne suis-je pas couché à tes pieds comme un chien fidèle ? Chaque matin, ne t’ai-je pas apporté la rosée que j’ai trouvée ? Quand je m’éveille dans la nuit, tu verses sur moi ta chevelure de parfum ; mes rêves sont embaumés quand je rêve de toi. Si tu balances ta cime, je pense en moi-même : il m’appelle ; et je rampe jusqu’à ton ombre. Ah ! Ton ombre ! C’est une foule qui m’habite ; c’est ma source où je bois ; c’est ma tente où je m’endors. Toi, l’amant de ma grève, l’époux de mon sable cuisant ; à présent que je t’aime, que deviendrais-je, mon Dieu, si le jour, en se levant, ne me disait plus : le voilà !


- Comment ma cime ne se fanerait-elle pas ? Comment la moelle de mon tronc ne se sècherait-elle pas sous l’écorce ? Je vois, je vois par le sentier qui mène à Golgotha, le Christ qui se traîne sous une croix.

Pour auréole, sur sa tête, il a une couronne d’épines. Oh ! Qu’il marche lentement ! Il regarde derrière lui, si le désert ne vient pas à son secours. La foule gronde dans la ville comme un ouragan d’hiver. Les tribus grimpent comme des branches de vignes au plus haut de leurs terrasses ; mais l’aigle cache sa tête sous son aile. Le sommet de l’Oreb redescend en courant dans la vallée : au plus haut du ciel, deux yeux de géant, qui contiennent plus de pleurs que ta citerne n’a d’eau de pluie, demi-fermés sous leurs paupières d’azur, laissent tomber sur moi une à une leurs larmes brûlantes. Si le Dieu qui m’a donné toutes mes fleurs monte à Golgotha comme un aloès au plus haut de sa tige, pour y boire dans son calice son