Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pas ici qu’est Jérusalem. Quand j’y suis retourné, les os qui blanchissaient se sont levés pour me voir passer. Ma maison est restée debout. La fenêtre est ouverte ; la porte est fermée au verrou. Dans le jardin, j’ai vu ma tombe vide ; un ange de mort la couvrait de ses deux ailes de soie, pour m’empêcher de m’y reposer ni jour ni nuit, comme le corbeau qui abrite, pendant la pluie, sa couvée sous son poitrail.

Le regard du Christ s’est attaché à mon âme comme une lampe des morts est attachée, par son anneau de cuivre, à un pilier sépulcral, pour éclairer dans la nuit les langues des vipères et la bouche des scorpions qui le rongent. Un regard sans pleurs, sans mouvement ! Deux yeux d’airain qui pesaient sur ma paupière ! Pour héritage, il m’a transmis son immortelle douleur et sa sueur de sang. Il a fouillé de ses yeux dans mon sein ; il y a fait flamboyer, ce roi des morts, son enfer, et ses limbes, mais point de ciel. -d’autres ont ma tunique, toi, tu auras ce qui reste de l’hysope et du fiel. -mais, roi, je m’en suis enivré, de ton hysope ; mes genoux plient comme un convive en sortant d’une table remplie ; et depuis ce temps, je te le jure, j’ai marché sans m’arrêter. J’ai vu sur le sommet du Vourcano des éperviers voler sur ma tête autour du monastère, et leurs cercles s’étendre jusqu’à raser la mer au bout de l’horizon ; j’ai vu dans un lac de Pérouge une bande de sarcelles se baigner, et l’eau trembler sous leurs ailes et se rider jusqu’aux herbes du rivage. Partout, j’ai vu, dans le fond de mon âme, le désespoir naître et croître et déborder jusqu’à enfermer le limon de mes jours et l’algue de mes rives de sa rive infinie.

Où es-tu donc, roi des morts ? Pour te chercher, j’use