oublient, en s’écoutant, que le jour se meurt,
et que là-bas la cloche sonne l’ave. c’est,
quand l’aube s’est un peu éclaircie, la
marguerite de prairie qu’une reine à marier
vient consulter en soupirant dans son jardin,
sur un songe d’amoureuse, qu’elle a fait. C’est
encore, si vous le voulez savoir, un prince
de Thulé, beau, bien fait, de grand renom,
qui courtise, à deux genoux, une fée sur son
sopha de corail, dans une rose de verger.
- Pour une rose de verger, ah ! Morgande, la
terre est trop vieille. Dans sa chaumine, rien
ne germe, que des épis qui font mourir. L’oeil
trompe, la bouche aussi. Pour ternir deux
lèvres, il ne faut rien qu’une haleine. Déjà,
dans ce laid univers, le pan de ma robe s’est
sali. Je veux aller laver mes souvenirs dans un
lac tout de lumière. çà, partons et promptement.
D’aventure, en tardant trop, si nous perdions en
cet endroit notre blanche innocence, que
ferions-nous ? Chaque étoile nous montrerait
du doigt : voyez ! Voilà la fée mal famée, qu’un
gnome, son ami, a séduite et délaissée sur un
roc d’émeraudes dans une île de la mer.
Dans les îles de la mer, femmes, femmes, au front
clair et à la fraîche couleur, seul miel que je
regrette dans votre val ténébreux, pensez à moi.
Ah ! Qu’il m’en coûte pour vous quitter plus d’un
soupir ! Donc je ne nouerai plus vos tresses sur
votre cou plus blanc que neige ni cristal. Pour
m’amuser tout un jour, je ne me bercerai plus
sur un de vos cheveux d’or, en écoutant le vent
qui chante : qu’elle est belle, ta maîtresse !
à présent, vos chagrins sont trop grands pour
que mon baume vous guérisse. Les hommes sont
trop durs : vers impurs qui
Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/252
Cette page n’a pas encore été corrigée