vous rongent
le cœur, une fois ils vous demandent
un rien ; et puis après, un souffle ; et puis
après, toute la vie ; et puis après, pour
votre noce, ils vous habillent d’une robe de
soucis. Allez ! Pleurez ! Pleurez ! Une larme
que vous cachez entre vos doigts sera toujours
plus belle que turquoise d’anneaux ni d’annelets,
et plus rare et plus précieuse et plus chérie
du ciel que ces colosses de poussière où ces
beaux nains vont se pavaner.
D’ailleurs, en partant, sur vos blanches mains
je lis ceci : tout ira mieux à l’avenir. D’ici,
en me tenant debout sur mon char, je vois d’autres
cieux plus bleus qui fourmillent ; de ce côté,
une mer nouvelle qui n’a point encore baisé
son sable m’attend pour la fiancer avec sa
rive. Là, jamais, le mât ne faudra en pleine
eau à la barque, et mon haleine gonflera,
jusqu’à son arrivée, la voile des désirs trop
inquiets. Les regrets n’y dureront qu’une
heure au plus, ou deux. Pour reines, vous le
serez, et tous vos amants seront rois. Sur un
pont fait d’un cheveu, légère, votre âme,
sans l’ébranler, passera ; en regardant
au-dessous d’elle, appuyée sur le bord, sa
dernière larme tombera et se noiera dans le grand
fleuve où toute larme arrive.
Chambre de Rachel.
Rachel, les yeux égarés, à Ahasvérus.
Horreur ! Horreur ! Laisse-moi, démon d’enfer ! Tu
n’es pas lui ! Tu n’es pas celui que j’aime ;
tu as pris sa figure pour tromper une pauvre
fille... oh ! Va-t’en, va-t’en, je