Un peu plus haut, que verrais-je autre chose ? Va, laisse-moi redescendre, sur mon seuil, vers mes jeunes années, pour les prendre dans mes bras, comme un chevreau des Alpes qui frappe la porte de sa corne, et ne peut pas monter l’échelle.
Le Chœur.
Le ciel n’est pas si loin que la porte de ta vie ;
et la douleur, si tu y es entré, est un chemin
qui monte et qui ne redescend jamais. Noie ta
peine, comme une feuille de saule, dans
l’éternelle poésie, où toute peine afflue, et
qui te rendra en retour, pour t’endormir, une
plainte de sa rive.
Le Poète.
Maintes fois j’ai ouvert la bouche pour parler ;
mais la parole me manque. Ma voix était dans
mon cœur ; mon cœur s’est brisé. Quand une
larme, en tombant dans mon sein, s’y est creusé
peu à peu sa demeure, ma pensée, pour mieux
guérir cette plaie, souvent s’en est allée
errante par le monde, mendier un peu de son
eau à la mer, un de ses rayons à l’étoile, un
lambeau de sa voile au vaisseau qui sort du
golfe : à la barque, donne-moi l’or de ton
sillon ; au rivage, le murmure de tes herbes ;
au filet du pêcheur, ta maille rompue ; au
désert, le lac de tes sables embrasés. Ah !
Que serait l’océan, que serait l’étoile, que
serait l’herbe du rivage, que serait le désert
de Syrie, pour combler ce soir l’abîme et
l’ennui de mon âme ?
Au lieu de faire bruire plus longtemps à mon
oreille des mots sonores, je voudrais bien
plutôt désormais nourrir ma pensée de têtes de
pavots, si bien qu’à mon réveil, en la cherchant
dans mon sein, je ne l’y trouverais plus. Je
voudrais que la bise de mon chemin, en courant,
la prît